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les félicitations de la foule et continua son chemin jusqu’à l’Institut national, qui était en séance, et où il annonça son succès. » Le parachute devint ensuite le spectacle ordinaire des fêtes publiques. La nièce de l’inventeur, Élisa Garnerin, se fit même une réputation dans cet exercice, qu’elle exécutait avec audace. Le ralentissement de la chute peut être tel que Sivel, à Naples, mit 43 minutes pour descendre de 1,800 mètres.

Les hommes qui avaient concouru à ces travaux eurent des sorts très différens. Les deux Montgolfier furent comblés des faveurs du roi ; leur père fut anobli. Joseph reçut la croix de Saint-Michel, Etienne une rente de 1,000 francs ; 40,000 livres furent mises à leur disposition pour continuer les expériences. On leur doit l’invention du bélier hydraulique, machine singulière qui révèle une grande faculté d’observation et qui aurait suffi, à illustrer leur nom si les ballons ne l’avaient déjà porté si haut ; Joseph mourut le dernier, en 1810 ; il était membre de l’Institut. Charles devint un des professeurs les plus adroits et les plus célèbres de son temps. Faujas, l’historien des ballons, se fit connaître à la suite de Buffon et fut un des créateurs de la géologie. Enfin le plus audacieuse des trois, celui qui le premier se confia au chemin de l’air, mourut à vingt-neuf ans dans une ascension malheureuse dont les détails sont mal connus. Il avait eu l’idée aventureuse de combiner la montgolfière et le ballon afin de s’élever ou de s’abaisser sans jeter du lest, par la seule action de la chaleur. Sans tenir compte des conseils de Charles, qui lui représentait le danger qu’il y avait à associer l’hydrogène et le feu, il part de Boulogne le 15 juin 1785, à 7 heures, en vue de traverser le détroit ; il prend avec lui un de ses constructeurs nommé Romain, mais refuse, malgré une forte somme, de laisser monter le marquis de Maisonfort, parce que l’expérience n’est pas assez sûre, et qu’il ne veut pas exposer la vie d’un autre. On vit le ballon s’élever et s’engager sur la mer ; il était déjà à 700 mètres d’attitude et à 5 kilomètres du rivage quand un vent contraire commença de le ramener. On prétend avoir vu tout à coup les voyageurs exécuter des mouvemens d’alarme, pendant qu’une flamme violette apparaissait au sommet de leur machine ; puis tout fut précipité, non dans la mer, comme on l’a quelquefois raconté inexactement, mais sur le sol, à 300 pas du rivage, en face de la tour de Croy, non loin du lieu où Blanchard, plus heureux, avait atterri. Romain respirait encore, Pilatre était fracassé : il n’avait que vingt-huit ans et demi. C’est le marquis de, Maisonfort, si miraculeusement échappé à la mort, qui a raconté la catastrophe et rendu les derniers devoirs aux deux victimes.