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III

Nous connaissons maintenant la théorie rationnelle des ballons ; parcourons rapidement l’histoire des tentatives exécutées pour les diriger.

L’idée en est venue dès qu’ils ont été connus. Guyton de Morveau et le duc de Chartres employèrent désirâmes avec quelque succès ; puis un nommé Vallet songea aux ailes des moulins à vent ; il en fit disposer quatre à l’avant d’un bateau qui traversa une rivière contre le vent quand on les faisait tourner vite. Le docteur van Hecke employa une vis d’Archimède : le nom d’hélice n’était pas encore employé ; il ne devait venir que longtemps après, lorsque Sauvage eut adapté aux navires ce mode de locomotion ; mais l’organe avait déjà été essayé dans l’air ; il était connu, il avait donné de sérieux résultats.

Un officier du génie, fort distingué, passa dix ans de sa vie à faire des projets pour la construction des ballons. Monge le considérait comme l’un des meilleurs esprits de son temps : il s’appelait Meusnier, il devint général, fut membre de l’Institut, et mourut à quarante ans au siège de Mayence. C’est de lui que le roi de Prusse disait : » Je perds un ennemi qui m’a fait bien du mal, mais la France perd un grand homme. » Les papiers de Meusnier ont été conservés et nous font connaître ses plans relatifs à un ballon de 80 mètres de longueur de 43 de haut, qui devait porter trente passagère munis de vivres pour soixante jours. Ce ballon devait être allongé, avoir un gouvernail, et pour propulseur une hélice, mais activée à bras d’homme. Meusnier estimait qu’elle pourrait donner une vitesse propre de 1 mètre à la seconde, ce qui est manifestement insuffisant pour se diriger dans l’air. Meusnier semble ne vouloir lui demander qu’un appoint En ce temps, le docteur van Hecke avait affirmé que l’on trouvait toujours dans les hauteurs de l’air des courans soufflant de toutes les directions, et qu’il suffisait de monter jusqu’à rencontrer la bonne. Adoptant cette base d’opération que rien ne justifie, Meusnier avait donc imaginé, pour monter ou descendre, un procédé ingénieux, mais impraticable. Son ballon devait avoir deux enveloppes : l’extérieure, forte et résistante, complètement fermée et toujours tendue ; l’intérieure, plus légère et imperméable, devait contenir l’hydrogène, et l’intervalle entre les deux, plein d’air, était mis en communication par un tube avec un soufflet. Voulait-on descendre, on y introduisait de l’air par pression, ce qui augmentait le