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poids, et, quand il fallait monter, on vidait au contraire cet espace intermédiaire. Par ce moyen, sans aucune perte de lest ni de gaz, on changeait le niveau jusqu’à atteindre le courant d’air convenable. Il n’est pas nécessaire de réfuter un pareil procédé, et cela prouve qu’il faut se garder, en exhumant les travaux anciens, de les exagérer, aux dépens des modernes, plus qu’il n’est raisonnable de le faire.

Après Meusnier, il faut attendre jusqu’en 1842 pour rencontrer une idée plus féconde. Marey-Monge proposa l’emploi d’une machine à vapeur, idée certainement hardie à deux titres, à cause du danger d’incendie et à cause du poids. À cette époque, on évaluait à 1,000 kilogrammes le poids moyen d’un cheval-vapeur, avec son approvisionnement d’eau et de charbon. Cette conception ne fut pas et ne pouvait être admise à cette époque ; mais elle fut reprise en 1855 par Henri Giffard, celui-là même qui devait donner à l’industrie le précieux injecteur qui porte son nom. Giffard adopta le ballon allongé, à deux pointes, maintenu rigide ; par un axe dorsal, ayant hélice et gouvernail et soutenant une machine allégée qui ne pesait plus que 30 ou 40 kilogrammes par cheval. Elle était à haute pression, à deux corps, avec une chaudière tabulaire, avec des condenseurs pour régénérer l’eau, etc. ; surtout elle avait un foyer intérieur et une cheminée renversée du haut vers le bas. Giffard calcula qu’il faudrait 37 hommes pour faire un travail équivalant à celui d’un cheval-vapeur et qu’ils pèseraient cinquante fois plus. Il avait fait le plan d’un très grand aéronef qui aurait pu porter 100 personnes, avec des vivres suffisans, qui eût été capable de faire le tour de la terre en 41 jours, et le voyage n’aurait coûté que 95 francs par tête.

Mais il y a loin d’un projet à sa réalisation. Quand Giffard voulut construire un ballon dans des conditions plus modestes et plus commodes, il éprouva des mécomptes. L’ascension se fit heureusement, la machine évoluait ; mais, quand il fallut descendre, elle ne put garder son équilibre, elle tomba sur sa pointe, et le ballon, s’échappant du filet, se perdit. Giffard ne se tenait pas pour battu et entendait bien recommencer ; il ne fallait que de la persévérance, il en manqua et aussi manqua d’argent. Puis il fut distrait par ces beaux ballons captifs que nous avons vus à Londres et aux Tuileries et qu’un vent d’hiver creva.

Ou comprit pour la première fois en 1870, pendant le siège de Paris, tout le parti qu’on pouvait tirer des ballons libres. Un grand nombre de messagers risquèrent leur vie, et quelques-uns la perdirent, en allant au-delà des lignes prussiennes porter en province les nouvelles de Paris. Un système de poste aérienne s’organisa,