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retrouve rien de ce qui rendait remarquables ces anciens budgets qui avaient la prétention de représenter une idée, qui étaient établis sur des principes bien définis, et dont la conception a fait la gloire de nos assemblées et de nos hommes d’état depuis la chute du premier empire jusqu’à ces dernières années. Ils ont été d’ailleurs successivement imités par tous les états parlementaires du continent, et nous semblons devoir les abandonner au moment où on en comprend mieux, à l’étranger, la bonne ordonnance et la solide organisation.

Il est à craindre que nous ne marchions à grands pas vers la destruction définitive des budgets de l’ancienne école, et que nous ne soyons peut-être obligés, d’ici à peu d’années, de nous résigner à vivre au jour le jour, à pourvoir tous les mois à nos besoins courans, condamnant les services publics à demander leur pain quotidien à un comité de permanence choisi par le parlement.

Quelle est la raison qui pousse tant d’hommes politiques à seconder, ce changement de méthode et cette transformation ? Est-ce le sénat qu’on veut détruire en l’empêchant de remplir ses fonctions ? ou bien, ne seraient-ce pas les ministères qu’on veut rendre inutiles, en substituant la préparation des budgets par la chambre à la préparation des budgets par l’administration ? A-t-on la prétention, en un mot, de viser plus haut que le budget, et quel est, dans ce cas, le pouvoir qu’on menace ? Qui est-ce qui mène le mouvement ? Sont-ce les partisans d’une chambre unique, ou les adversaires de la responsabilité ministérielle ? S’agit-il, enfin, de préparer l’avènement d’une, sorte de convention parlementaire avec deux chambres, dans une constitution à l’américaine, ou s’agit-il de faire revivre une convention, chambre unique, comme la première, comme celle qui est l’idole d’un certain nombre de vieux républicains, quelquefois pour ce qu’elle a fait de grand, et trop souvent hélas ! pour ce qu’elle a fait de mal ?

Il y a certainement, dans la majorité de la chambre des députés et, surtout dans les partis extrêmes de la gauche, des adversaires résolus de l’institution du sénat ; mais il y a aussi, et ceux-là sont les plus nombreux, — car on les rencontre dans toutes les fractions du parti républicain, — des adversaires bien plus résolus encore du pouvoir ministériel. Le gouvernement parlementaire n’est plus, pour un grand nombre d’hommes politiques, que le gouvernement direct par le parlement, tandis que le gouvernement par des ministres sous le contrôle du parlement, ce qui est l’expression vraie de ce gouvernement, ne représente plus pour beaucoup de gens qu’une idée sans valeur, inconnue, ou arriérée.

Malgré certaines apparences qui ont, il est vrai, impressionné