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caractère annuel du budget. La charte de 1815 et celle de 1830 ont bien dit que l’impôt foncier devait être voté annuellement, mais elles n’ont rien dit de plus, et la constitution républicaine est muette sur ce sujet. Les Anglais ont des impôts permanens ; seuls l’income tax et le droit sur le thé sont annuels. On suppose que c’est en faisant varier le tarif de ces seuls impôts qu’on peut arriver à maintenir l’équilibre entre les dépenses et les recettes. Chez nous, les impôts sont permanens, mais l’autorisation de percevoir est annuelle.

Si on ne conteste pas la nécessité d’obéir à ce principe, que le budget doit être annuel, bien des gens trouvent qu’une période d’une année est un maximum. Pour eux, les autorisations provisoires données au gouvernement par les chambres de percevoir pendant un mois ou deux les impôts, conformément aux lois, ont l’avantage de mettre le ministère dans les mains du parlement d’une façon beaucoup plus étroite. Nous trouverons d’ailleurs cette doctrine chez ceux qui sont opposés au budget préalable.

Le budget préalable, c’est le troisième principe. Il est bien plus contesté et il est beaucoup plus en péril que tous les autres. Peu de personnes, il est vrai, l’attaquent de front, mais beaucoup le battent en brèche, avec une passion extraordinaire, sous les prétextes les plus divers. Cela doit suffire pour nous ouvrir les yeux et nous mettre sur la défensive.

Le budget préalable, c’est tout bonnement la prévoyance dans l’administration des finances : rien de plus, rien de moins.

Il serait commode de ne pas compter, et le budget de recettes de plus simple a toujours été celui du juif errant. Avoir un fonds, fût-il de cinq sous, qui se renouvelle sans cesse, c’est tout ce qu’il y a de plus commode. Ce n’est malheureusement pas comme cela que les choses se passent. Le budget des recettes ne se renouvelle pas tout seul. Les états comme les particuliers sont bien forcés de se demander à l’avance comment ils pourront pourvoir aux nécessités de leurs dépenses. Si on s’y prend trop tard, ou tombe dans les expédiens et on se ruine. L’idée du budget préalable est donc naturelle, si naturelle.même, qu’on a peine à croire qu’on puisse en ériger la négation en système. Elle est pourtant combattue par un certain nombre d’hommes, possédés de l’esprit de méfiance qui caractérise la démocratie radicale.

Pour eux, il semble que le budget préalable soit un mal, parce qu’il enchaine la volonté du parlement. S’ils consentent à prévoir l’étendue des ressources et s’ils en laissent la disposition à des ministres pour i une période de temps déterminée, ils craignent de donner aide simples mandataires une latitude dont il leur est possible d’abuser. On ne peut pas abdiquer sa souveraineté pour douze