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cent mille Canadiens-Français qui ont entre les mains presque toutes les terres, presque toutes les propriétés du pays ? .. Donnerons-nous à ces colonies six cents ans de calamités, comme à l’Irlande, parce qu’il s’y trouve une population anglaise ayant notre sympathie ? Que notre politique soit d’accorder à toutes les classes, à tous les hommes, Tros Tyriusve, des lois équitables et une égale justice ! .. » La chambre des communes se borna à nommer un comité qui fît un rapport platonique auquel elle ne donna aucune sanction ; elle accueillit les promesses assez vagues du ministère ; celui-ci rappela lord Dalhousie pour lui confier un poste plus important, et les choses demeurèrent en l’état.


IV

Grâce au tact, a l’habileté de sir James Kempt, successeur de lord Dalhousie, la colonie put jouir d’une accalmie politique : il y épuisa toute sa diplomatie et demanda son rappel en 1830, au moment où il vit que les hostilités allaient renaître. La majorité française n’était plus animée du même esprit qu’autrefois : lassée dans sa patience par quarante années de malveillance si manifeste, irritée de tant d’injustices, puisant dans sa durée même le sentiment de sa force, elle veut ne plus se payer de mots et d’apparences, abandonner ses droits fondamentaux pour des faveurs ; elle prétend s’inspirer de cette maxime que le parlement anglais peut tout faire, excepté qu’un homme devienne une femme et une femme un homme. Son chef, le favori du peuple, M. Papineau, a besoin d’être contenu plutôt qu’excité, et malheureusement une nouvelle génération déjeunes gens, élus en 1831, lui apportent leurs idées exagérées, préconisent la politique du tout ou rien, s’opposent à tout compromis. Dès 1828, l’assemblée affirme sa résolution inébranlable de ne rien céder au sujet des finances, de soumettre tous les revenus à son suffrage annuel, comme en Angleterre, où cette pratique est en quelque sorte le pont aux ânes du droit constitutionnel. En 1829, elle stipule que l’octroi du budget n’est que provisoire, réclame la réforme du conseil législatif, la responsabilité des fonctionnaires. A propos d’une adresse au roi contre le rétablissement des anciennes ordonnances sur la milice, M. Papineau s’écrie imprudemment : « Si la chambre a exprimé l’opinion publique, les ordonnances sont abrogées ; quand les citoyens d’un pays repoussent unanimement une mauvaise loi, il n’y a plus moyen de l’exécuter, elle est abolie. » La révolution française de 1830, les élections générales de 1831 augmentent l’ardeur du parti populaire, fortifié, par un bill récent qui a porté à quatre-vingt-quatre le nombre des représentans ; des