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Monsieur le directeur,

M. Jules Davaine, en venant rappeler les titres de gloire de son père, obéit au sentiment le plus honorable. Je le prie de croire avant tout au profond respect que j’ai gardé pour la mémoire de ce savant distingué et à ma haute estime pour ses travaux, — qui me sont moins inconnus assurément que M. Jules Davaine ne parait le penser.

Mais je ne puis, sans essayer de me défendre, me laisser accuser d’avoir commis un certain nombre d’erreurs, et je vous demande la permission, monsieur le directeur, de rappeler les faits.

M. Davaine signala, dès 1850, dans le sang des animaux morts du charbon, la présence de corps filiformes qu’il appela plus tard bactéridies. En 1863, M. Pasteur ayant depuis deux ans publié ses observations sur le vibrion de la fermentation butyrique, l’attention de M. Davaine fut rappelée sur les corpuscules qu’il avait vus treize années auparavant, et devant l’Académie des sciences (séance du 27 juillet 1863). Il prononçait les paroles suivantes : « Les corpuscules filiformes que j’avais vus dans le sang des moutons atteints du sang-de-rate (ou charbon) ayant une grande analogie de forme avec ces vibrions (les vibrions butyriques), je fus amené à examiner si des corpuscules analogues ou du même genre que ceux qui déterminent la fermentation butyrique, introduits dans le sang d’un animal, n’y joueraient pas de même le rôle d’un ferment. » En effet, le sang d’un animal charbonneux, inoculé à un animal sain, lui communiquait la maladie du charbon. La citation que je viens de faire montre, malgré la découverte initiale dont l’honneur revient assurément à M. Davaine, combien il serait difficile de décider lequel des deux savans a ouvert la voie à l’autre.

Vinrent les expériences de MM. Jaillard et Leplat, qui inoculaient du sang, provenant de cadavres charbonneux et ne trouvaient point de bactéridies. La lutte fut vive entre ces deux expérimentateurs et M. Davaine. Je n’ai eu garde de prétendre qu’ils fussent d’accord ; mais j’ai voulu dire que, de deux côtés opposés, MM. Jaillard et Leplat et M. Davaine avaient aperçu une part de la vérité. Au milieu de ces contradictions apparentes, est-il possible de soutenir que la lumière se fit « grâce à Davaine et grâce à lui seul ? » Si M. Pasteur n’avait pas établi que tout cadavre charbonneux est capable d’engendrer une maladie septique toute particulière, succédant presque nécessairement au charbon ; si M. Pasteur n’avait pas cultivé à part, en dehors de l’organisme, la bactéridie et le vibrion septique ; si M. Pasteur