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Pyrénées. La péninsule ne semble pas menacée de complications prochaines, d’insurrections ou d’agitations sérieuses. Le ministère dont M. Canovas del Castillo est le chef expérimenté et qui compte d’habiles orateurs ne parait pas lui-même être en péril ; il a une assez grande majorité dans les cortès et il est de force à maintenir sa position contra toutes les attaques, contre toutes les interpellations dont il est déjà assailli. Au fond, cependant, la situation politique de l’Espagne ne laisse pas peut-être d’avoir ses faiblesses, et une des premières difficultés est cette question universitaire qui a un instant ému Madrid il y a quelques semaines, qui traîne encore puisque les cours restent interrompus par une sorte de grève des étudians. Quel est en définitive le caractère de ces troubles d’écoles ? Quelle est la part de responsabilité du gouvernement dans les répressions qui ont été un moment nécessaires ! Comment va-ton en finir maintenant avec cet imbroglio universitaire qui menace de devenir inextricable ? C’est là justement ce que le sénat est occupé à débrouiller depuis que le parlement est réuni, et après quinze jours de discussions, après des discours sans fin, on ne parait pas beaucoup plus avancé. La parole la plus sensée, la plus instructive a été, peut-être, celle d’un professeur, membre du sénat, qui a pu dire que, depuis près de vingt ans, par suite de crises universitaires de ce genre, il y a eu à peine trois ou quatre années de cours réguliers, et que cela explique pourquoi l’Espagne reste une nation pauvre de science, comme elle est pauvre d’industrie et de commerce. Il est certain que, devant une explosion nouvelle de ce mal invétéré de l’anarchie universitaire, le gouvernement ne pouvait rester indifférent ; il ne pouvait admettre que, pour des séditions d’étudians, dès qu’elles passaient dans la rue, il y eût un autre droit que le droit commun et que des privilèges académiques quelconques pussent créer une sorte d’inviolabilité pour des agitations auxquelles la politique n’était point d’ailleurs étrangère. Il a sévi, il a même employé la force, il ne s’est pas arrêté devant des protestations de professeurs qui élevaient pouvoir contre pouvoir ; on le lui reproche aujourd’hui comme s’il n’avait pas rempli le plus simple devoir de l’état, et ce qu’il y a de plus grave ou de plus singulier, c’est que cette triste affaire, exagérée par des susceptibilités de corporation, a soulevé jusque dans le camp conservateur des dissentimens, des contestations qui créent au gouvernement une certaine faiblesse, un certain embarras de situation. D’un autre côté, l’opposition n’est pas restée Inactive. Elle tend surtout depuis quelques semaines à se concentrer par un rapprochement plus ou moins sincère entre les amis de M. Sagasta et le parti de la gauche dynastique jusqu’ici fort divisés. En un mot, elle unit ses forces pour la lutte, et naturellement, la crise universitaire est devenue pour elle une bonne fortune, une arme de guerre : de telle façon que le cabinet