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présentait un acte de vente ainsi résumé : « Le fils a vendu à M. un tel la propriété appelée terre, située à département. Il serait certainement fort difficile de dire où est cette propriété. »

Tout d’ailleurs, en cette matière, était obscur et confus. Le domaine ne savait même pas encore et ne devait pas savoir de longtemps ce qui lui appartenait comme ayant fait partie du beylik ; de là, des contestations qui, comme le litige de la Maison-Carrée, pouvaient être soutenues avec une pareille vraisemblance et une égale bonne foi de part et d’autre.

Sans s’inquiéter d’ailleurs de ce qui pouvait revenir à l’état, le génie militaire continuait ses percées à travers la ville ; la future place du Gouvernement s’ouvrait et s’élargissait en avant de la Djenina. Comme, de son côté, la marine réclamait l’agrandissement du port, et avant tout la consolidation de la jetée que la violence de la mer menaçait de détruire, les travaux entrepris par les ingénieurs des ponts et chaussées commençaient à lui donner satisfaction. Au faubourg Babazoun, on construisait un abattoir, des moulins à vent au faubourg Bab-el-Oued ; à Moustafa-Pacha, on achevait la construction des casernes dont le plan, arrêté sous le général Clauzel, présentait la disposition parallèle des baraques d’un camp. Toutes ces constructions assuraient du travail à beaucoup de pauvres gens, indigènes ou autres. Elles avaient même déjà servi de cause ou de prétexte à l’organisation de trois compagnies d’ouvriers d’art choisies parmi les volontaires.

En tout il en était arrivé plus de quatre mille, si étranges sous leurs haillons de fantaisie et si misérables que les Maures les appelaient les Bédouins français, et qu’entre eux le nom de Parisien était devenu comme une injure. De cette cohue, un tiers avait été réformé comme tout à fait impropre au service ; d’autres, qui avaient résolument protesté contre l’illégalité de leur engagement, avaient été rayés des contrôles ; tout le reste formait, outre les trois compagnies d’ouvriers dont on vient de parler, trois bataillons dits bataillons auxiliaires d’Afrique. Pour leur donner un noyau d’officiers capables d’y suivre l’instruction et d’y maintenir la discipline, on leur avait attribué ceux du 2e bataillon de zouaves, qui était supprimé. Enfin, une ordonnance royale prescrivit l’organisation d’un nouveau régiment de ligne, le 67e, par l’incorporation des trois bataillons auxiliaires ; les compagnies d’ouvriers demeurèrent à la disposition de l’état-major du génie.


III

Depuis quelques semaines, les nouvelles qui arrivaient de Médéa étaient de plus en plus mauvaises. L’autorité de Ben-Omar allait