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circonstance. Le lieutenant-général espère que de pareils désordres ne se renouvelleront plus. »

À la chute du jour, la division se remet en marche ; la direction est donnée au nord-est, vers le point où la route d’Oran traverse la Coiffa, deux lieues au-dessous du passage où la masse des Arabes attend la colonne ; le petit nombre de ceux qui sont restés autour de Haouch-Mouzaïa suivent en tiraillant l’arrière-garde. Mal guidée, la tête de colonne s’égare ; ce n’est qu’après dix heures du soir qu’elle atteint enfin la rivière. Aussitôt, sans ordre, en dépit des officiers, les rangs sont rompus ; cavaliers, fantassins, artilleurs, pêle-mêle, se précipitent dans l’eau ; chaque bataillon, chaque compagnie arrive débandée, au pas de course ; il n’y a plus une escouade qui se tienne ensemble, la confusion est plus grande encore qu’au Tenia. En vérité, si les Arabes ne s’étaient pas portés sur une fausse piste, la division courait le risque d’être anéantie. Ainsi s’acheva comme elle avait commencé, dans le désordre, cette malheureuse journée du 3 juillet. Après deux heures d’efforts, les officiers ayant à peu près réussi à ressaisir leurs hommes, la division arriva vers quatre heures du matin à Bou-Farik. Au défilé des Dix-Ponts, les Arabes, embusqués dans les taillis de lauriers roses, essayèrent de disputer le passage ; quelques obus lancés à propos les dispersèrent. Là furent tirés les derniers coups de fusil de cette triste campagne. Le 5 juillet, toutes les troupes étaient rentrées dans leurs cantonnemens. Leurs pertes réelles, malheureusement plus graves que les pertes avouées, s’élevaient à cent vingt morts et à deux cent soixante-dix blessés ; selon les bruits d’Alger, elles auraient été plus considérables encore.

Courroucé des mauvais bruits qui couraient de toute part sur son compte, le général Berthezène essaya d’en atteindre les auteurs par l’ordre foudroyant que voici : « Le lieutenant-général est informé que des militaires et employés appartenant à l’armée se permettent de tenir publiquement des propos radicalement faux sur les événemens qui ont eu lieu pendant la dernière expédition. Ces propos ayant un caractère de malveillance et d’insubordination qui doit être réprimé sur-le-champ, le général ordonne que tout officier ou employé, convaincu d’avoir tenu des propos alarmans ou mensongers, sera traduit devant un conseil de guerre ou renvoyé en France à la disposition du ministre, selon la gravité des cas. » Loin d’intimider l’opinion, la menace ne fit que l’exaspérer davantage. Le général Berthezène demeura, il est vrai, six mois encore en place ; mais, depuis Médéa, le peu d’autorité qui lui restait encore avait reçu le coup mortel.

Le 1er juillet, à l’heure même où le bataillon mixte faisait le coup de feu sur le plateau d’Aouara, une ordonnance royale avait donné