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II

Pour rendre au pays l’ordre et aux Européens la sécurité, il y avait mieux à faire que de promulguer des arrêtés qu’éludaient, en se moquant, les indigènes ; c’était dans son repaire qu’il fallait aller chercher et atteindre l’instigateur des meurtriers, le fauteur de la sourde hostilité et des folles espérances que ne cessait pas de nourrir la population algérienne ; c’était à Médéa qu’il fallait châtier l’insolent bey de Titteri, Moustafa-bou-Mezrag. Mais, d’abord, avait-on une idée suffisamment exacte du pays qu’on allait avoir a traverser, des populations qu’on aurait sans doute à combattre ? Ce n’était pas la malheureuse excursion du maréchal de Bourmont à Blida qui avait pu fournir à l’état-major, sur cet important sujet, des informations concluantes. On interrogeait les gens du pays, on comparait, on essayait de faire concorder leurs réponses, qui étaient souvent contradictoires ; là-dessus, on traçait un itinéraire probable, on rédigeait des notes où la statistique du pays était établie avec, une approximation très large. Essayons de résumer ce qu’on pouvait connaître à peu près à cette époque.

Le matin, au lever du soleil, et le soir, après son coucher, un brouillard bas, épais, couvrait habituellement le vaste espace de la Métidja. C’est ce brouillard qui, le 20 juin 1830, avait un moment égaré l’armée française dans la dernière étape de sa marche sur le fort l’Empereur. Aujourd’hui que la plaine est cultivée et assainie, le phénomène est beaucoup moins fréquent et intense. Quand il se produit, le massif au flanc duquel s’appuie Alger émerge au-dessus comme une île montueuse ; cette lie apparente est le Sahel, dont l’étendue et le contour sont ainsi bien délimités. La moitié orientale du massif, le tiers tout au moins, portait le nom d’El-Fhas ; c’était proprement la banlieue d’Alger, un pays qui avait été le plus riant du monde, qui devait un jour retrouver tout son charme, mais dont les combats et l’occupation militaire avaient pour un temps fait une solitude ruinée. Le reste du Sahel appartenait à l’un des outhane, ou divisions administratives, dont nous aurons à dire un mot.

En confiant à des beys le gouvernement de la plus grande partie du territoire algérien, à l’ouest, à l’est et au midi de la régence, les deys s’étaient réservé l’administration directe de la Métidja, en y comprenant le versant septentrional des montagnes qui lui servent de limites au sud. Partout ailleurs, dans les trois beyliks d’Oran, de Titteri et de Constantine, la population était séparée en deux