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figurer les avoir ressenties moi-même. Je n’y parviendrais pas, si je ne prenais soin, avant tout, d’acquérir la connaissance intime des moyens d’action dont ce valeureux chef disposait.

Du moyen âge au XVIe siècle, les galères s’étaient transformées ; elles avaient surtout notablement accru leurs dimensions. On les voit brusquement passer d’une longueur de 27 mètres à une longueur de 46 mètres de capion en capion. Les équipages ont plus que doublé. Les statuts de Gazarie[1], ces statuts promulgués à Gênes au commencement du XIVe siècle, n’attribuaient aux galères qui faisaient le commerce de la Mer-Noire qu’un sénéchal, 4 pilotes, 163 rameurs et 10 arbalétriers. Hue Quiéret, ce marin de Provence qui combattit à la bataille de L’Écluse, se contentait, si l’on en croit un document portant la date de l’année 1335, d’une chiourme de 174 hommes. En 1337, les galées de Gênes et de Monaco ne portaient, avec un patron, 2 comités, 2 écrivains et 25 arbalétriers, que 180 mariniers occupés à la vogue. Tel était également le nombre des hommes libres que Venise embarquait pour le service des rames à bord des grosses galères que la république envoyait en Flandre. À peu près à la même époque, le roi d’Aragon, comte de Barcelone, fixait ainsi l’effectif qu’il voulait embarquer sur ses bâtimens à rames : il leur donnait un patron, 2 comités, 8 nochers, dont un écrivain, 14 mariniers, — proyers et conilliers, — 6 espaliers et 156 rameurs ordinaires. À dater des dernières années du XVIe siècle, les galères ordinaires, — autrement dit les galères senzilles, — auront généralement 5 hommes au moins par rame et par banc. On donnera 6 hommes aux capitanes et 8 aux galéasses. La galère que montait, au mois de juin 1573, le neveu du grand André Doria avait un équipage de 300 hommes, — 20 officiers, 22 domestiques nobles, 44 mariniers, 8 proyers, 16 soldats et 280 rameurs.

En 1630, un Parisien, Jean-Jacques Bouchard, ami de Chapelain, de Balzac et de Gassendi, fort intéressant voyageur, mais immonde écrivain, fit le voyage de Paris à Borne[2]. Les galères du roi venaient d’être transférées de Marseille à Toulon a pour mettre fin aux différends continuels qu’avaient entre eux le général des galères et M. de Guise, gouverneur de Marseille et de toute la Provence. « Ces galères, que Jean-Jacques Bouchard s’empressa de visiter,

  1. Les Génois appelaient Gazarie le pays des Khazares, peuples qui occupaient au XIIIe siècle la Crimée et la Tauride. La colonie génoise de Gaffa, en Crimée, prit, au cours de IIV" siècle, un tel développement, que la république jugea nécessaire d’en placer les opérations commerciales sous le contrôle d’une magistrature qui prit le nom d’Office de Gazarie. Les statuts publiés, de l’année 1313 à l’année 1314, par cette magistrature, forent bientôt rendus applicables à tout le commerce maritime de l’état de Gênes.
  2. Publié pour la première fois à Paris, en 1881, sur le manuscrit de l’auteur. Isidore Liseux, éditeur.