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la garde de son futur successeur. Enivrés par leur premier succès dans l’affaire du beylik de Constantine, le général Clauzel et M. de Lesseps avaient entrepris immédiatement de faire au beylik d’Oran la même application de leur principe ; mais ils avaient trouvé les négociateurs tunisiens moins favorables. De Tunis à Constantine, on communiquait aisément ; de Tunis à Oran, c’était une affaire ; on allait de plus se heurter au Maroc. Dans son impatience, le général Clauzel pressait, poussait, insistait ; il savait que la première con¬vention, enfin rendue publique, avait déplu fortement à Paris, et il aurait voulu, en donnant à la seconde l’autorité du fait accompli, les consolider l’une par l’autre. Enfin les Tunisiens se rendirent. Le 4 février, un arrêté du général en chef nomma bey d’Oran Ahmed, prince de la maison de Tunis. Le 6, l’intendant Volland et Kérédine-Agha, khalifa du nouveau bey, signèrent une convention stipulant, comme la précédente, le paiement annuel d’une redevance de 1 million, réduite pour l’année 1831 à 800,000 francs ; la seule exception était que la France, qui ne prétendait rien dans le beylik de Constantine, se réservait dans le beylik d’Oran la possession pleine et entière de Mers-el-Kébir. Le 8 février, le bâtiment à vapeur Sphinx, battant pavillon de Tunis au mât de misaine, et pavillon français à la corne d’artimon, emportait à Oran le khalifa Khérédine et la garde du nouveau bey.

Quelques précautions qu’eût prises le général Clauzel et quoi qu’il pût dire, ses conventions furent condamnées à Paris : elles devaient l’être. Si grands que fussent les pouvoirs qu’il avait reçus à son départ, il ne lui était permis de se substituer ni au ministre des affaires étrangères, ni au ministre de la guerre, ni de négocier à leur insu, ni de conclure sans leur aveu une affaire de cette importance. Dans une dépêche du premier au second de ces ministres, en date du 31 janvier, le général Sébastiani, laissant à l’arrière-plan les questions de prérogative et de forme, insistait sur une considération capitale : l’acte du général Clauzel préjugeait une question sur laquelle le gouvernement du roi ne s’était pas pro¬noncé encore, à savoir si la France garderait indéfiniment et dans quelle mesure le royaume d’Alger. Par une argumentation subtile, mais qui n’était rien moins que satisfaisante, le général Clauzel essayait de se défendre d’avoir empiété, à Tunis comme à Tanger, sur le terrain diplomatique ; il soutenait que le remplacement de deux beys par deux autres n’était qu’un acte de l’autorité militaire. Il fut désavoué, les conventions lurent déclarées nulles, et pour avoir prêté son concours à cette négociation interlope, M. de Les¬seps fut sévèrement, et justement blâmé par son ministre.

Tandis que le sort d’Alger demeurait incertain et que le rappel