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d’Hudson, le gouvernement d’Ottawa résolut d’y diriger un courant d’émigration anglaise : il fait décréter son annexion pure et simple sous le nom de province du Manitoba, envoie un gouverneur, des arpenteurs à Winnipeg, bourg d’un millier d’âmes, situé à l’embouchure de la Rivière-Rouge, et capitale du pays. Mais voilà que les métis, ces demi-sauvages, comme les appelaient dédaigneusement les politiciens d’Ontario, s’avisent de trouver mauvais qu’on veuille disposer d’eux sans les consulter et installer de nouveaux colons sur des terres dont ils ont la jouissance depuis un temps immémorial. Ils se réunissent, forment un comité national, et, au nombre de quatre cents, se portent au-devant du gouverneur. « Qui vous envoie ? leur demande celui-ci. — Le gouvernement. — Quel gouvernement ? — Le gouvernement que nous avons fait. » Ils obligent M. Mac-Dougall à rebrousser chemin fort piteusement, constituent de pied en cap un gouvernement provisoire, avec un président, un ministère, et choisissent, comme symbole de leur origine et de leur république indo-canadienne, le drapeau blanc fleurdelisé, au milieu duquel on place la harpe d’Irlande. Puis, ils lancent une déclaration solennelle dont voici le préambule : « Nous, les représentans du peuple, assemblés en conseil au Fort-Garry, le 24 novembre 1869, après avoir invoqué le Dieu des nations, nous appuyant sur les principes fondamentaux de la morale, déclarons solennellement, au nom de notre constitution et en notre propre nom, devant Dieu et devant les hommes, que nous refusons de reconnaître l’autorité du Canada, qui prétend avoir le droit de nous commander et de nous imposer une forme de gouvernement despotique… » Toutefois, ils se ravisent et entrent en négociations avec le ministère fédéral ; mais, au moment où tout va s’arranger sans effusion de sang, les colons anglais, déjà nombreux autour du lac Winnipeg, s’insurgent contre les métis. Le président Louis Riel, qui prend au sérieux son rôle de dictateur, fait saisir les plus mutins ; leur chef, un nommé Scott, est traduit devant un conseil de guerre, jugé, condamné, fusillé. Loin d’affermir son autorité, cette exécution découragea ses partisans eux-mêmes, au point que deux bataillons de la milice, commandés par le colonel Wolseley, furent accueillis en libérateurs par les métis, et Louis Riel avec ses principaux complices obligés de s’enfuir aux États-Unis. Cependant, les délégués du gouvernement provisoire auprès du Dominion étaient reçus comme les ambassadeurs d’un gouvernement régulier ; on accepta leurs conditions, on traita ces vaincus comme des vainqueurs, on érigea le district de la Rivière-Rouge en province autonome, avec un lieutenant-gouverneur, des ministres responsables, deux chambres, l’une élective, l’autre à vie, où la langue