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que, en remontant le Rhône en amont de Valence, à l’Ermitage par exemple, un des premiers points attaqués, les maigres vignes des coteaux présentent encore quelque trace de végétation, et les vignes de plaine comprises entre le chemin de fer et le fleuve se main tiennent presque indemnes, en apparence dans un état florissant. Une telle inégalité d’action ne peut évidemment s’expliquer que par la différence des influences atmosphériques.

Les divers procédés employés pour lutter contre le phylloxéra peuvent au fond se ranger en deux catégories distinctes, suivant qu’ils ont pour but d’augmenter la force de la résistance ou d’atténuer celle de l’attaque, de favoriser le développement des racines ou de ralentir celui de l’insecte : d’un côté, les procédés culturaux, les irrigations, les engrais et le choix des cépages ; de l’autre, les insecticides.

Parmi les premiers moyens on a surtout préconisé l’emploi des vignes américaines. On ne saurait contester en fait qu’elles se montrent généralement plus vivaces, plus résistantes que nos vignes françaises ; mais cette résistance n’a rien d’absolu, n’est que relative ; et l’on se ferait probablement illusion si l’on espérait que le fait seul de la substitution de la vigne américaine à la vigne française suffira, sans autre précaution, pour nous permettre de reconstituer notre vignoble dans son état d’ancienne prospérité. A cet égard, l’expérience qui se poursuit chez nous a été faite en Amérique même. Si, dans ce pays si étendu, présentant une telle variété de climats, il est constant qu’on n’a jamais pu constituer de vignobles durables et de plein rapport, on doit assez naturellement supposer qu’il en sera de même chez nous. On peut du moins le redouter, surtout quand on énumère tous les mécomptes déjà éprouvés, depuis plus de douze ans que nous essayons d’acclimater les vignes américaines, et que chaque année le commerce annonce la découverte d’un nouveau cépage devant faire oublier l’insuccès des précédons. En émettant un doute sur la complète efficacité des plants américains, je suis loin de vouloir méconnaître leurs avantages. Je les crois en fait plus résistans que la vigne française. J’admets qu’il y aura lieu d’en propager l’emploi dans les plantations nouvelles ; mais je pense qu’on aurait toit de se fier à eux sans réserve ; de compter sur leur résistance comme devant être toujours suffisante ; de ne pas se prémunir, par exemple, contre le retour éventuel d’une de ces années de sécheresse exceptionnelle, comme il s’en produit de temps à autre dans notre pays, où la reproduction ralentie de la vigne cessant d’être en rapport avec le pullulement anormal de l’insecte, les vignes les plus prospères sont en quelque sorte foudroyées du jour au lendemain.

Le phylloxéra, de même que l’oïdium, est un ennemi avec lequel