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la vigne doit s’habituer à vivre, quel que soit le cépage choisi ; et ce résultat ne peut être obtenu que par deux moyens concurrens : la destruction des pucerons par les insecticides et la régénération des racines par l’eau et l’engrais.

Tout le monde est d’accord pour reconnaître la nécessité des canaux d’arrosage ; mais, parmi ceux qui les réclament, il en est cependant bien peu qui en entrevoient nettement la destination réelle pour le traitement de la vigne.

Par ce fait que la submersion hivernale est jusqu’ici le seul procédé de préservation qui ait fait ses preuves pratiques, nombre de propriétaires croient encore qu’ils n’auront rien de mieux à faire que d’y recourir, quand ils auront de l’eau à leur disposition ; comme si la chose était également possible en tous lieux. Or la submersion n’est en fait applicable que dans des circonstances locales assez rares, sur des terrains sensiblement plans, ne reposant pas sur un sous-sol trop perméable, conditions qui ne se trouvent remplies que sur les plaines basses du littoral avoisinant les marais, et parfois sur les alluvions latérales de nos principales rivières. La majeure partie des vignes en terrain élevé sont par leur nature impropres à recevoir la submersion ; et on ne doit pas le regretter, car on ne saurait contester que ce procédé, s’il peut enrayer le développement du phylloxéra, n’en est pas moins en lui-même préjudiciable à la vigne, qui n’est pas un végétal aquatique ; qu’il exige une dépense très considérable en eau et en engrais ; et, par-dessus tout, qu’il est essentiellement insalubre et ne saurait être propagé sur de grandes surfaces sans exercer une influence fâcheuse sur la santé publique. La submersion est donc un expédient provisoire, auquel on fera bien de recourir, faute de mieux, partout où elle sera applicable ; qu’il serait d’autant plus avantageux d’encourager en certains cas qu’elle devrait surtout être employée sur des terrains plus ou moins salés, qu’elle améliorerait et rendrait aptes à d’autres cultures. Mais, en dehors de ces circonstances exceptionnelles, les canaux de dérivation n’en restent pas moins indiqués comme indispensables à notre agriculture méridionale, non-seulement pour permettre de substituer parfois à la vigne des cultures fourragères ou potagères, mais bien plus encore pour maintenir la culture de la vigne elle-même, qui, de toutes les productions agricoles, sera toujours la mieux appropriée aux conditions spéciales du climat.

Dans l’état normal de la culture de nos vignobles, l’irrigation leur était rarement appliquée même par les propriétaires qui avaient de l’eau à leur disposition ; et, avant d’aller plus loin, il est nécessaire de bien spécifier les résultats avantageux ou nuisibles que l’opération peut avoir en elle-même.