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Si, à la rigueur, la vigne peut être traitée comme une rizière, submergée pendant un assez long temps, en hiver, quand toute végétation est interrompue ; on ne saurait, en été, l’assimiler à une prairie ou à une culture maraîchère, comportant une irrigation extérieure et permanente. L’expérience avait été bien des fois renouvelée en temps normal, et elle avait démontré que si des irrigations superficielles fréquentes développaient dans la vigne un surcroît de végétation apparente dans les racines et dans le bois, ce n’était qu’au détriment des fruits devenus moins abondans et dont la maturation se trouvait retardée. Ces deux faits s’expliquent aisément. On comprend, d’une part, que la sève rendue plus aqueuse par l’irrigation puisse produire une abondante végétation herbacée sans acquérir le degré de concentration nécessaire à la nutrition des fruits ; d’autre part, que l’évaporation superficielle, en refroidissant le sol, doive retarder la maturation de ces derniers.

Il est cependant un mode particulier d’arrosage qui, sans avoir les inconvéniens de l’irrigation superficielle, peut être avantageusement employé pour la vigne, aussi bien que pour bon nombre d’espèces arbustives : je veux parler de l’irrigation souterraine, dont je crois avoir été le premier à signaler les avantages théoriques, il y a bien une trentaine d’années. Entrevoyant vaguement les conditions agronomiques inhérentes à notre climat, sans m’expliquer encore les causes physiques de son exceptionnelle sécheresse, j’avais proposé d’appliquer dans quelques cas particuliers, pour les cultures de luxe et principalement les plantations d’arbres d’ornement des promenades publiques, l’irrigation souterraine par tuyaux, comme un moyen de fournir aux racines le surcroît d’humidité dont elles pouvaient avoir besoin, sans les exposer aux inconvéniens de l’évaporation superficielle. Vers la même époque, par une méthode inverse, me paraissant appelée à de plus grands résultats agronomiques, j’indiquais le lessivage superficiel, facilité par le drainage du sous-sol, comme le seul moyen pratique d’opérer le dessalement de nos terrains salés du littéral méditerranéen. Je fus même autorisé à faire pour chacune de ces deux méthodes des essais d’expériences qui n’aboutirent à aucun résultat bien concluant, entravés qu’ils furent par l’ingérence de commissions consultatives composées d’hommes prétendus spéciaux, plus préoccupés, comme il est d’usage, de sauvegarder leur responsabilité ou d’affirmer leur compétence, que d’assurer le succès d’une idée dont ils n’ont pas eu l’initiative.

Cependant le germe que j’avais semé n’a pas été complètement perdu. Le procédé de dessèchement par drainage a été repris et employé avec succès en divers points, notamment dans les basses plaines de l’Aude, aux environs de Narbonne ; et il s’est trouvé que