Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 67.djvu/914

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toutes ces vignes, tant celles qui avaient été submergées que celles qui n’avaient reçu aucun traitement de ce genre, se trouvaient dans un état de végétation très florissant, ne présentant que fort peu de taches phylloxérées, bien que Beaucaire se trouve au voisinage des plus anciens points d’attaque, et que le phylloxéra y ait été reconnu depuis plus de dix ans.

De l’avis de tous les propriétaires, cette situation si exceptionnellement favorable doit être attribuée aux filtrations des crues du Rhône, augmentées de celles qui proviennent du canal lui-même longeant le pied des digues du fleuve. Ces infiltrations périodiques ou permanentes ne sont en fait autre chose qu’une irrigation souterraine fréquemment répétée, qui donne à la vigne une exubérance de végétation herbacée très supérieure à celle des vignes de l’Aude, mais en revanche beaucoup moins de fruits. Les meilleures récoltes, en effet, ne dépassent pas à Beaucaire 100 à 150 hectolitres à l’hectare ; tandis que, aux environs de Narbonne, sur des vignes ayant infiniment moins de pampres, dans des terrains de valeur analogue, on obtient des rendemens de 3 et 400 hectolitres de vin à l’hectare.

J’ai cru devoir entrer dans quelques détails sur ces faits d’observation pratique, à raison des conséquences fort importantes qu’on doit en déduire, en ce qui concerne l’emploi de l’eau comme moyen de stimuler la végétation de la vigne après l’emploi des insecticides.

L’irrigation, dans ce cas, doit être autant que possible souterraine, produisant à peu près les mêmes effets que ceux qui ont été obtenus dans les terres drainées de l’Aude, mais par des procédés différens. L’irrigation par conduites de poterie ne pourrait se faire dans les terrains ordinaires sans rapprocher les tuyaux beaucoup plus que ne l’exige le drainage ; et l’arrosage par les drains, en même temps qu’il serait fort coûteux, amènerait une grande déperdition d’eau dans les sous-sols perméables.

Les conditions essentielles de l’arrosage souterrain peuvent être heureusement réalisées par un procédé plus économique. En creusant, comme on le fait dans la culture ordinaire, de profonds déchaussages, on constitue ainsi autour de chaque souche de petits bassins qui peuvent être remplis successivement en se déversant l’un dans l’autre par d’étroites rigoles, sans que l’eau submerge le sol intermédiaire, dont la surface reste sèche. L’opération terminée, l’eau imbibée dans le sol, on rejette dans les trous la terre retroussée sur leurs bords, et un binage général de la surface emprisonne dans le sous-sol, à l’abri de l’évaporation, la quantité d’eau nécessaire pour entretenir le développement des racines pendant une