Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 68.djvu/125

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

archives se remplissent de précédens ; ses fastes s’illustrent de revendications ; son règlement s’enrichit de pratiques libérales : pures formes sans doute et qui ne gardent pas à elles seules la substance de la liberté politique (on l’a bien vu au siècle suivant sous les Tudors), mais qui en perpétuent pour ainsi dire l’appareil, en sorte que le jour où les circonstances redeviennent favorables, on le retrouve tout monté et prêt à la main. Le droit de fixer les termes mêmes de la loi au lieu d’en indiquer seulement le sujet par des doléances et des vœux, le privilège de voter toutes les natures de taxes, celui de contrôler l’emploi des fonds publics, la priorité des communes en matière d’impôt, le contrôle sur la nomination des officiers d’état, en un mot, toute l’immense prérogative future de la chambre basse paraît au cours de cette période, se fixe en partie, annonce ou prépare par quelques exemples mémorables ce qui ne peut pas se fixer encore.

Cependant, les luttes inexpiables des grands nobles ont eu le résultat qu’il était facile de prévoir. La guerre des Deux Roses, qui remplit la seconde moitié du XVe siècle, leur fournit une carrière où se déploient plus à l’aise que jamais leurs habitudes de violence ; ce sont eux qui la prolongent à plaisir sous le prétexte d’un intérêt dynastique à la fin épuisé. Peu semblables aux condottieri italiens, les barons anglais ne se ménagent pas. Ils s’entre-détruisent et s’exterminent à plaisir, tandis qu’ils ont soin d’épargner les gens des communes. Des familles entières s’éteignent ou sombrent dans la masse anonyme de la nation ; leurs domaines, confisqués ou en déshérence, viennent grossir le domaine royal. Après qu’Henri VII a étouffé les derniers mouvemens de la rébellion et fait châtier par la chambre étoilée les seigneurs encore suspects d’entretenir des bandes armées, le baronnage est tellement réduit que le roi ne trouve pas plus de vingt-sept pairs laïques à convoquer pour son premier parlement. La vieille noblesse normande et féodale n’est plus ; les barons héroïques de la grande charte se survivent à peine dans quelques héritiers contestables ; leurs grands domaines sont divisés ou sont retournés au fisc. Une nouvelle classe se présente alors pour remplir les vides, cette classe moyenne rurale qu’on a vue se former par la fusion des chevaliers avec les propriétaires libres. C’est dans ses rangs qu’Henri VII choisit presque tous les nouveaux pairs. Une pairie presque entièrement renouvelée dans sa substance, étrangère aux habitudes et aux traditions de la noblesse antérieure, instituée par fournées assez considérables, étroitement dépendante de la royauté qui la crée de rien ou de peu et qui l’enrichit de ses dons, voilà le spectacle que nous présente la fin du XVe siècle. Je ne vois rien qui soit politiquement plus