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les paquebots de nos compagnies commerciales qu’on noliserait à l’usage de nos canonnières et torpilleurs, ou qui. pourraient, suivant les circonstances, être envoyés seuls à la chasse des ennemis. Déjà, un grand nombre d’entre eux sont commandés par des lieutenans de vaisseau qui les connaissent, qui ont l’habitude de les manier, qui, du jour au lendemain, les conduiraient en campagne. Mais, comme la course est le but le plus important de la guerre maritime, comme c’est par elle qu’on frappera sur l’ennemi les coups les plus terribles, comme c’est elle qu’il faut surtout avoir en vue dans la préparation des luttes de l’avenir, nous pensons qu’il est nécessaire de lui consacrer encore un instrument spécial, indépendant, qui ne soit consacré qu’à elle et qui puisse lui faire produire tous ses effets. Nous proposerons donc la création de croiseurs capables d’agir seuls, sans secours, sans autre protection que leur vitesse. Les transports, canonnières et torpilleurs seront les vautours allant en bande à la poursuite des cadavres ; les croiseurs rapides iront solitaires, comme l’épervier, à la recherche d’une proie. On discute beaucoup, dans tous les pays maritimes, le type à adopter pour ces croiseurs. Il semble qu’en Angleterre on soit sur le point de s’arrêter à des navires à protection limitée, du genre de l’Esmeralda, et en France à des modèles semblables au Sfax ou au navire de M. Gougeard. Quant à nous, sur nos croiseurs comme sur nos autres bâtimens, nous supprimerons résolument toute cuirasse, tout blindage, car il ne s’agit pas de créer des unités de combat pour la guerre, mais de simples écumeurs de mer ne s’attaquant qu’au faible impuissant à se défendre. Il est inutile de leur donner une grosse artillerie. Nous nous contenterons de deux canons de 14cm, comme sur nos canonnières, un en avant, l’autre à l’arrière ou un peu au centre, d’autant de hotchkiss que possible, et enfin, en guise du défense suprême, de deux tubes de torpilles automobiles également disposés, l’un à l’avant, l’autre à l’arrière. Ces croiseurs de haute mer et de grand vol devront tout sacrifier à la vitesse, qui ne leur sera pas moins indispensable pour fuir devant un adversaire redoutable que pour fondre à l’improviste sur un adversaire désarmé. Il faudra qu’ils filent au moins 20 nœuds en pleine charge. Sous bien des rapports, ils rappelleront le type proposé par M. Gougeard, avec cette différence essentielle cependant que, n’étant point des navires de guerre, mais des rôdeurs de grandes routes maritimes, le pont cuirassé du premier sera remplacé pour eux par un poids équivalent de charbon. De cette manière, leur champ d’action et de destruction s’étendra. Ils n’auront presque pas besoin, pour se refaire, de rentrer dans les ports. Ils s’approvisionneront sur leurs prises,