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torpilleurs. Ce sont les plus beaux produits de la construction des cuirassés. Plût au ciel qu’ils fussent les derniers !

La flotte de guerre ainsi constituée n’est certes pas celle de l’avenir, celle dont nous avons tracé plus haut le programme. Les cuirassés à vitesse inférieure, à grand tirant d’eau, à surface énorme, seront trop facilement détruits par les torpilles, et les torpilleurs qu’ils approvisionneront seront trop souvent employés à les défendre contre les torpilleurs ennemis. Ils ne pourront s’aventurer dans une mêlée que sous bonne garde ; mais tout nous manque, et il faut pourvoir au plus pressé. Or, ce que nous devons posséder le plus tôt possible, non pas demain, mais aujourd’hui, ce sont des torpilleurs. Pour leur fournir les moyens de tenir longtemps la mer, nous prenons ce que nous avons sous la main, en attendant que nos vues aient triomphé et que les instrumens de combat de l’avenir soient constitués. Que si quelqu’un regrettait cependant les canons, parfois bien peu efficaces, que nous enlevons aux cuirassés, nous lui demanderions si ces sept navires, escortés de cent torpilleurs, ne seraient pas autrement redoutables, ne constitueraient pas une force autrement décisive que leurs pièces de réduit disparues et que le nouveau cuirassé, quelque puissant qu’il fût, dont on pourrait les renforcer, mais toutefois dans cinq ou six ans seulement, avec le prix des cent torpilleurs ? La réponse à une pareille question n’est pas douteuse. Ajoutez à cette flotte de guerre quelques-uns de nos croiseurs, quelques-uns de nos transports qui serviraient, à un moment donné, à la ravitailler, et vous reconnaîtrez qu’en dépit de notre faiblesse actuelle, avec un peu de prévoyance, d’audace et d’habileté, nous arriverions très vite à faire bonne figure sur les mers. Sans doute, il faudrait bien se garder de prendre pour une organisation définitive l’organisation provisoire que nous proposons comme un pis-aller, comme un expédient, en vue d’utiliser les cuirassés actuels, à jamais condamnés d’après nous. Nos cuirassés, débarrassés de leurs pièces de réduit central, recevront un supplément de combustible ; tout le poids qu’on leur enlèvera, canons, munitions, équipages, sera remplacé par du charbon. Néanmoins, nous le répétons, ils seront très lourds, dépenseront beaucoup, fileront très peu, et de vrais transports devront leur succéder le plus tôt possible. En attendant, il est urgent de songer à organiser, soit pour nos futurs croiseurs de grand vol, soit pour nos escadrilles de torpilleurs et de canonnières, des centres d’action sur les mers. Toulon au nord de la Méditerranée, Ajaccio et Porto-Vecchio au centre, Alger et Bizerte au sud ; Dakar et le Gabon sur l’Atlantique ; Mayotte et Nossi-Bé dans l’Océan indien ; Port-de-France à la Martinique, et La Pointe-à-Pitre à La Guadeloupe, sur