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ignorant ou inattentif. En second lieu, pour les textes des Actes, soit latins, soit grecs, on eût souhaité que les éditeurs ne se bornassent pas aux seules copies laissées par leurs devanciers ou trouvées dans les manuscrits de la Bibliothèque de Bourgogne. Dans l’incomparable collection de manuscrits de notre grande Bibliothèque, ils eussent rencontré la matière de leçons nouvelles et intéressantes. Par exemple, ils publient les Actes grecs de Christophore. La Bibliothèque nationale de Paris leur aurait fourni les mêmes Actes dans deux manuscrits du IXe siècle[1] et la collation de leur texte avec ces deux-là n’eût pas été inutile. Enfin, on désirerait que la plupart de ces documens inédits fussent précédés d’une étude préliminaire, si courte fût-elle. Dans les Acta sanctorum, on pèche d’ordinaire par prolixité ; c’est trop peu dire ici de parler de sécheresse. On nous dit d’où vient la pièce qu’on édite, on ne dit pas ce qu’on en pense, ce qu’elle vaut, quelles parties en sont fabuleuses, quelles méritent d’être réputées historiques. C’est beaucoup d’éditer un document, mais il n’est pas superflu de l’expliquer et d’en mesurer, s’il se peut, la valeur.

En terminant cette trop longue étude, nous ne saurions dire quel respect mérite le labeur des hommes qui, depuis deux siècles et demi, embrassant dans leur esprit le champ immense de l’histoire profane et de l’histoire sacrée si étroitement unies depuis que le monde civilisé a l’empreinte chrétienne, ont ouvert aux studieux et aux savans tant et de si diverses sources d’informations. Les nouveaux bollandistes ont la patience tenace de leurs aînés et une critique encore mieux éclairée. Ils sont croyans sans être pour cela sottement crédules. Si la foi leur eût manqué, l’œuvre si prodigieuse qu’ils ont élevée n’eût pas vu le jour. S’ils eussent péché par crédulité, cette œuvre eût été frappée de nullité. Les derniers venus dans le travail ont gardé les traditions de réservé de leurs devanciers. Ils savent montrer pourtant que cette réserve n’est pas une servitude et qu’on la peut concilier avec une ferme indépendance ; que les concessions aux opinions reçues ont des limites, que l’esprit critique, sans lequel il n’y a pas d’histoire, souffle aussi chez eux, et que, si le respect le tempère, il ne l’éteint pas.


B. AUBE.

  1. Bibliothèque nationale. Fonds grec, N° 1470, fol. 19. N° 1531, fol. 251.