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une dernière fois ; si M. Gladstone a fini, en effet, par sortir à demi victorieux de toutes, ces confusions, il l’a certainement dû à la gravité de la situation ; il l’a dû peut-être aussi à l’appui de M. Parnell et de ses amis, qui ne lui auront évidemment donné leur vote, s’ils l’ont donné, que moyennant réciprocité, à la condition d’obtenir un adoucissement des lois répressives en Irlande. M. Gladstone avait bien quelque raison de dire que la situation était compliquée, et, après tout, la première condition pour l’Angleterre resto toujours de rétablir ses affaires sur le Haut-Nil.

Au milieu de toutes ces complications égyptiennes cependant, quelle est la position que l’Italie se propose de prendre avec le contingent assez important qu’elle a expédié dans la Mer-Rouge ? Quelle est la nature de ses relations avec l’Angleterre ? Y a-t-il entre les deux pays un certain accord pour partager les dangers, les difficultés et les avantages d’une action commune ? Le ministre des affaires étrangères du roi Humbert, M. Mancini, interrogé plusieurs fois dans son parlement de Rome, a refusé absolument de répondre et de s’expliquer ; mais ce que M. Mancini n’a point dit, lord Granville, il y a quelques jours, sir Charles Dilke, hier encore, l’ont dit à peu près dans les chambres anglaises. Autant qu’on en puisse juger par les explications des ministres anglais, il n’y a entre les deux pays ni traité, ni convention, ni arrangement concerté d’aucune sorte. L’Italie a simplement agi sous sa propre responsabilité en envoyant ses soldats dans la Mer-Rouge. L’Angleterre, prévenue des intentions du cabinet de Rome, ne l’a ni encouragé à occuper Massaouah ni détourné de cette occupation ; elle l’a tout au plus engagé à s’entendre avec la Porte, qui reste la souveraine territoriale dans ces contrées, et qui a protesté depuis contre l’intervention italienne. Sir Charles Dilke a même ajouté, au sujet de l’occupation de Massaouah : « Nous ne nous reconnaissons en aucune sorte responsables de cet acte, nous ne l’avons pas suggéré à l’origine, et, quoique nous en ayons eu connaissance, nous ne l’avons pas conseillé. » Que, malgré tout, il y ait entre les deux pays une entente assez intime, les cabinets de Rome et de Londres sont les premiers à l’avouer. Il ne résulte pas moins de tout cela que l’Angleterre tient à garder la liberté de son action, à décliner toute autre responsabilité, et que l’Italie, pour sa part, reste engagée dans une affaire assez difficile à préciser. C’est là pour le moment toute la situation.


CH. DE MAZADE.