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de 1,500 francs. Ainsi s’est trouvée tranchée par la force de l’argent, par l’attrait d’une prime si modeste qu’elle soit, le problème, difficile entre tous, de la création de nouveaux auditoires près nos facultés des lettres et des sciences. Où avaient échoué tous les efforts d’ordre administratif et moral, tout le zèle et le talent de nos professeurs, une simple mesure financière a pleinement réussi. Avant et sans qu’on les indemnisât, sous une forme ou sous une autre, notre haut enseignement n’avait et n’aurait jamais eu d’étudians proprement dits ; depuis qu’on les paie et qu’en sus de leur bourse l’administration leur a généreusement accordé la dispense du service militaire, ils affluent. C’est moins glorieux peut-être qu’en Allemagne, où, loin de recevoir une gratification de l’état, les étudians, le plus souvent, rémunèrent eux-mêmes leur professeur et font leur volontariat comme tout le monde ; mais c’est infiniment plus démocratique. En 1792, Condorcet voulait déjà pour ses lycées (lisez facultés) des bourses qui auraient été distribuées aux sujets les plus méritans, décorés du nom d’élèves de la patrie. Il appartenait au régime actuel de reprendre l’idée du philosophe girondin. Plût à Dieu qu’elle ne lui eût emprunté que celle-là, qui par hasard était pratique, et qu’elle lui eût laissé ses utopies ! L’orgie financière à laquelle nous assistons depuis dix ans nous eût été épargnée, et nous ne serions pas acculés, pour en solder les frais, à de nouveaux emprunts !

L’institution des bourses de licence date, avons-nous dit, de 1876, celles des bourses d’agrégation de 1880 seulement. On peut cependant en apprécier les résultats. Avant 1876, il n’y avait. encore, dans nos facultés, qu’un très petit nombre d’auditeurs réguliers : les écoles normales secondaires, qui en avaient donné plus de cinq cents[1] la première année de leur fondation, n’avaient pas été soutenues, et la petite leçon, les conférences, n’étaient plus suivies, sauf à Paris, que par quelques candidats à la licence. D’après le dernier relevé officiel, le nombre des étudians, pendant le premier semestre de 1883-1884, aurait été, pour la France et l’Algérie, de 2,674, dont 1,090 pour les sciences et 1,584 pour les lettres. Le progrès, on le voit, est considérable, et si nous sommes encore loin du chiffre énorme de 8,941, qui est celui des élèves des facultés correspondantes en Allemagne, il est clair pourtant qu’il règne aujourd’hui, dans quelques-uns de nos amphithéâtres, une très heureuse et féconde activité. La province elle-même, longtemps si réfractaire, s’est mise en marche sur quelques

  1. Discours prononcé par la ministre de l’instruction publique dans la discussion du budget du 4 avril 1899.