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lecture est singulièrement instructive à cet égard[1]. On y apprend que la critique historique est l’art de discerner les faits vrais des faits supposés dans les divers documens et qu’elle réclame préalablement : 1° un jugement sain ; 2° un esprit dégagé de toute préoccupation ; 3° une juste mesure entre le scepticisme et la crédulité ; 4° une connaissance exacte de tous les travaux antérieurs ; puis, ces conditions réunies, un choix judicieux des matériaux, la vérification de l’authenticité des textes et l’appréciation de leur valeur intrinsèque. Si c’est là tout ce que la nouvelle école a découvert en matière de méthode, on conviendra qu’elle ne brille ni par l’originalité ni par la profondeur et qu’elle pourrait être plus modeste.

Or, tout au rebours, elle a des appétits insatiables, et son ambition, comme son arrogance, est extrême. Appuyée sur des journaux et recueils dont l’office est de célébrer ses mérites ; soutenue par des cercles et des sociétés d’admiration et de… participation mutuelles ; gouvernée, comme une banque, par de véritables syndicats, elle s’agite, se pousse, s’enfle, fait du bruit, des conférences, des lectures, enterre ses morts avec pompe, suit les convois opportunistes et parait dans les salons officiels, traite avec les ministres, tranche avec les bureaux, régente et pontifie avec les simples mortels, se persuade volontiers qu’il n’y avait rien avant elle, et qu’elle est appelée à tout reprendre en littérature, en histoire, en pédagogie : bref la plus prétentieuse et la plus remuante des coteries. Souhaitons au moins que son action ne s’étende pas trop dans notre enseignement supérieur et qu’elle ne compromette pas de sages réformes par son intempérance et sa présomption.


ALBERT DURUY.

  1. Notions élémentaires de critique historique, par Ad. Tardif.