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nées. Puisque des domaines végétaux se sont substitués à d’autres, à la faveur du temps, et que des plantes, d’abord confinées par-delà le cercle polaire, se sont répandues plus tard vers le sud, tandis que d’autres ont dû regagner le voisinage des tropiques, après s’être longtemps avancées librement au nord ; puisque des catégories entières, comme des dicotylées lors de la craie, auparavant inconnues, ont pris rapidement possession de larges étendues, et qu’enfin les flores de chaque domaine se pénètrent le long de leurs frontières respectives et possèdent une notable proportion d’espèces communes, ce sont là des preuves assurées des déplacemens qui auront eu lieu jadis soit par émigration et extension, soit par voie d’élimination et de retrait partiels des végétaux, tandis que leur distribution même à l’intérieur des stations qu’ils occupent de préférence, leur rayonnement d’un ou plusieurs points donnés, attestent leur cantonnement antérieur, sauf en ce qui concerné ceux qui, plus ou moins cosmopolites, sont justement caractérisés par leur diffusion et leur indifférence à l’égard de conditions d’existence déterminées.

En se déplaçant, c’est-à-dire en cheminant devant elle, l’espèce végétale court la chance presque inévitable de varier plus ou moins à mesure qu’elle s’expose à rencontrer des conditions nouvelles et qu’elle tend à s’en accommoder. Par cela même, elle se cantonnera en séjournant sur les points qu’elle aura abordés, et ce séjour entraînera à la longue la consolidation héréditaire des différences graduellement acquises. — Pour mieux se rendre compte de cette marche et des effets qu’elle comporte, il faut s’attacher à des types assez fixes par eux-mêmes et n’ayant éprouvé dans le cours des âges que de très faibles modifications, assez répandus en même temps pour avoir laissé d’eux dans le passé de nombreux vestiges de leur présence. Prenons quelques-uns de ces types : le cèdre, le sapin, le lierre, la vigne, et nous saisirons sans trop de difficultés comment les espèces qui relèvent de chacun d’eux ont dû se constituer. Ce que nous allons dire sera applicable par analogie et, sauf les innombrables particularités individuelles, à tout l’ensemble du règne végétal.

Nous avons mentionné plus haut les montagnes qui cernaient le golfe néocomien, dont l’emplacement de Paris marque le centre. Le pourtour circulaire de ce golfe, en partant de Mons et des Ardennes, passait par la Haute-Marne et l’Orléanais, remontait vers Angers pour aller atteindre Le Havre et échancrait plus loin le sud de l’Angleterre ; il s’ouvrait ainsi dans la direction du nord. C’est sur la croupe de ces montagnes, au début de la période crétacée, que se dressaient les premiers cèdres dont on ait connaissance. Leurs cônes seuls sont venus, il est vrai, jusqu’à nous ; mais ces organes sont