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de Bouagueb et de Guerouaou, non loin de Bou-Farik, étaient habités par une population turbulente qui, dans l’intervalle des insurrections, où elle s’était toujours fait remarquer par sa violence, ne cessait pas de molester et de piller les gens paisibles qui voulaient trafiquer avec les Français. Sur le rapport du bureau arabe, une expédition, commandée par le général Trézel, se dirigea dans la nuit du 3 mai contre ces villages ; La Moricière, avec les zouaves, tenait la tête de la colonne qui marchait à Bouagueb ; Il y eut là quelques coups de fusil ; dès la première décharge, les Arabes se réfugièrent dans la montagne, où ceux de Guerouaou, plus prudens encore, n’avaient pas même attendu l’approche du combat pour s’enfuir. Après avoir mis le feu aux gourbis, la colonne revint, poussant devant elle cinq cents têtes de gros bétail et un millier de moutons. Suivant l’usage, des groupes de cavaliers la suivaient tiraillant de très loin ; au défilé de Bou-Farik, ils se rapprochèrent avec l’espoir d’entamer l’arrière-garde. Un escadron du 1er régiment de chasseurs d’Afrique, envoyé contre eux, poussa trop loin son élan ; il fut enveloppé ; pour le dégager, il fallut en faire charger un second, que mena le général de Trobriand. Dans ce conflit qui ne dura que quelques minutes, le fils du duc de Rovigo, sous-lieutenant au corps, renversé, son cheval tué sous lui, avait déjà le yatagan sur la gorge lorsque le capitaine de Cologne, d’un coup de pistolet, abattit l’homme qui allait lui couper la tête. Le bétail capturé fut réparti à titre d’indemnité entre les victimes de ces pillards, que personne, même de leurs anciens associés, ne plaignit. C’était la justice comme pouvaient la comprendre les Arabes ; c’était ainsi que le général Duzer se faisait obéir et respecter à Bône.

Quelques jours après, commença la grande affaire qui avait tant préoccupé, dans les derniers jours de son commandement, le duc de Rovigo, la fauchaison des foins dans les prairies de l’Oued-Hamise. Comme le général Voirol avait auprès de lui le chef d’état-major de son prédécesseur, il n’eut pas un nouveau plan à faire. Cette opération mi-agricole, mi-guerrière, qui dura du 15 au 30 mai, fut d’abord une fête pour les troupes. Six cents travailleurs, pris dans les 4e et 67e de ligne, dans la légion étrangère et dans les bataillons d’Afrique, étaient campés au milieu de la prairie sous la protection d’un bataillon du 10e de ligne, des zouaves, de deux sections d’artillerie et des chasseurs d’Afrique cantonnés dans l’enceinte de Haouch-Rassauta. Le foin récolté, conduit au Fort de l’Eau par les prolonges de l’artillerie et du train, devait être transporté dans les magasins d’Alger par les soins de la marine ; le total de la récolte était évalué à 3,500 quintaux métriques. Pendant ces quinze jours, il n’y eut pas le moindre désordre ; le marché du camp, largement approvisionné, permettait aux soldats de varier leur ordinaire, et les Arabes,