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il fallut se battre sérieusement et longtemps. Le lieutenant-colonel Lemercier, qui conduisait cette attaque avec le bataillon du 4e, une demi-compagnie de sapeurs et cinq obusiers de montagne, avait devant lui tout le gros des Kabyles, qui, d’abord surpris, revinrent plusieurs fois à la charge. La marine dut mettre à terre ses compagnies de débarquement, et l’ennemi ne reconnut sa défaite qu’après onze heures de combat. Depuis l’occupation du Gouraïa, dont le marabout fortifié devint un excellent ouvrage, Bougie n’avait plus rien à craindre du côté de l’est ; à l’ouest, le colonel Lemercier voulut donner à la place une double ligne de défense ; d’abord un retranchement continu, suivant la ligne des anciennes murailles, et poussé jusqu’au dernier escarpement du Gouraïa ; puis, à 4 ou 500 mètres en avant, échelonnés de bas en haut sur une même ligne, dite du contrefort vert, le poste crénelé du marché, le blockhaus Khalifa, le blockhaus Salem et le blockhaus Roumane. Le 25 octobre, le 1er et le 4 novembre, les Kabyles essayèrent d’empêcher ces travaux, dont ils comprenaient bien l’objet et l’importance.

Ils ne se résignaient pas ; évidemment Bougie était pour longtemps encore sous la menace de leurs attaques ; il fallait pour y commander un officier intelligent et résolu. Le maréchal Soult y envoya Duvivier, qui, rentré depuis dix mois en France, rongeait son frein au 15e de ligne. Il arriva le 6 novembre ; dès le lendemain, il prit le commandement de la place et des troupes. Pour un chef de bataillon, c’était une situation exceptionnelle ; il avait sous ses ordres un des deux bataillons du 59°, l’autre étant envoyé avec le colonel à Bône, un bataillon du 4e, deux compagnies de zéphyrs et quatre de zouaves, qui venaient d’arriver d’Alger.

La mission du général Trézel était accomplie ; l’état de sa blessure, qu’il avait négligée d’abord, le retint près d’un mois encore à Bougie ; il ne put s’embarquer que le 4 décembre. Avec lui rentraient à Alger le lieutenant-colonel Lemercier, les officiers détachés de l’état-major général, et le commandant de La Moricière, car le ministère venait de récompenser son zèle et de combler ses vœux en le mettant à la tête du bataillon de zouaves.


IV

Quand La Moricière avait créé le bureau arabe, il s’était attaché deux aides sur l’intelligence et le dévoûment desquels il pouvait absolument compter, le sergent-major Vergé, des zouaves, et le Tunisien Allegro, maréchal des logis aux chasseurs d’Afrique. Allegro l’avait suivi à Bougie ; Vergé, retenu par le général Voirol, avait été d’abord chargé de diriger et de surveiller le jeune Oulid-Bouzeïd, que le général venait de nommer kaïd de Beni-Khelil à la