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de nouveau les prisonniers d’Arzeu, une lettre dont l’intérêt essentiel se trouvait résumé dans cette dernière phrase : « Vous ne me trouverez jamais sourd à aucun sentiment de générosité, et s’il vous convenait que nous eussions ensemble une entrevue, je suis prêt à y consentir, dans l’espérance que nous pourrions, par des traités solennels et sacrés, arrêter l’effusion du sang entre deux peuples qui sont destinés par la Providence à vivre sous la même domination. » Abd-el-Kader ne répondit pas ; la paix à lui demandée, accordée par lui, ne pouvait que le grandir ; mais ni sa dignité, ni sa finesse ne lui conseillaient la hâte, bien au contraire. Inquiet de son silence, le général commençait à désespérer, lorsque deux juifs d’Oran, Busnach et Mardochée Amar, qui avaient des relations avec Mascara, vinrent le trouver comme pour lui apporter des nouvelles. Il leur était revenu, assuraient-ils, qu’Abd-el-Kader avait convoqué les grands et les marabouts afin d’examiner avec eux si la loi musulmane, qui interdisait aux fidèles de demander la paix aux chrétiens, ne permettait pas de l’accepter quand c’étaient les chrétiens qui l’offraient ; il était donc probable, à leur avis, que des propositions conciliantes seraient facilement acceptées. Le général écrivit une nouvelle lettre sous le même prétexte et dans le même esprit que la précédente. Abd-el-Kader, sur cette instance, répondit enfin qu’il rendrait les prisonniers lorsqu’un traité aurait fait cesser les ravages du sabre et que, pour le conclure, il attendait les propositions du général ; de l’entrevue souhaitée pas un mot.

Quelque temps après, sur une invitation venue d’Oran, deux envoyés de l’émir, personnages considérables, Miloud-ben-Harach et Khalifa-ben-Mahmoud, se présentèrent à la porte de la ville, mais jamais ils n’y voulurent entrer. Les conférences se tinrent sous leur tente entre eux et Mardochée Amar. De son côté, le général, après avoir pris conseil des principaux officiers et des fonctionnaires civils, mit par écrit les conditions suivantes : 1° soumission des Arabes à la France sans restriction ; 2° liberté de commerce pleine et entière ; 3° remise immédiate des prisonniers. Ces préliminaires furent portés, le 4 février 1834, par le sous-intendant civil, M. Sol, et par le chef d’état-major de la division, aux envoyés de l’émir, qui retournèrent à Mascara. Dix jours après, Abd-el-Kader fit répondre qu’il attendait des propositions plus explicites et que Mardochée pouvait les lui apporter sur I’Habra, où il allait planter ses tentes. Le 20, le général Desmichels fit partir, avec Busnach et Mardochée, le commandant Abdalla d’Asbonne, des chasseurs d’Afrique, un Syrien qui était au service de la France depuis la grande expédition d’Egypte. Le 25, ils étaient de retour, accompagnés de Miloud-ben-Harach, de Khalifa-ben-Mahmoud, de deux