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cheikhs, d’une centaine de cavaliers arabes et des prisonniers d’Arzeu, que l’émir renvoyait généreusement, sans conditions ; mais la lettre qu’il adressait en même temps au général élevait, sous une forme habile, modérée, presque caressante, d’étranges prétentions. Non content de réclamer la restitution de Mostaganem aux Arabes, il prenait sous sa protection les tribus de la province d’Alger, qui le reconnaissaient déjà pour bey, disait-il, et chez lesquelles il s’assurait de maintenir l’ordre et la tranquillité.

Pendant ce temps, de Paris, le ministre de la guerre expédiait, le 19 février, à Oran, les instructions suivantes : Abd-el-Kader pourrait être investi du titre et de l’autorité de bey sur un certain nombre de tribus, à la condition de reconnaître la souveraineté de la France et de renoncer à toute liaison contraire à ses intérêts, de prêter hommage au roi et de payer un tribut annuel, de n’acheter qu’en France les armes et les munitions dont il aurait besoin, d’envoyer à Oran des otages qui seraient employés comme guides au service de la division. La dépêche ministérielle n’était pas arrivée encore que déjà l’affaire était faite. En vingt-quatre heures, le traité avait été conclu, tant le général Desmichels avait hâte d’en finir. En voici le texte : « Article 1er. A dater de ce jour, — 26 février, — les hostilités entre les Français et les Arabes cesseront. Le général commandant les troupes françaises et l’émir ne négligeront rien pour faire régner l’union et l’amitié qui doivent exister entre deux peuples que Dieu a destinés à vivre sous la même domination. A cet effet, des représentans de l’émir résideront à Oran, Mostaganem et Arzeu. De même, pour prévenir toute collision entre les Français et les Arabes, des officiers français résideront à Mascara. — Article 2. La religion et les usages musulmans seront respectés et protégés. — Article 3. Les prisonniers seront rendus immédiatement de part et d’autre. — Article 4. La liberté du commerce sera pleine et entière. — Article 5. Les militaires de l’armée française qui abandonneraient leurs drapeaux seront ramenés par les Arabes. De même, les malfaiteurs arabes qui, pour se soustraire à un châtiment mérité, fuiraient leurs tribus et viendraient chercher un refuge auprès des Français, seront immédiatement remis aux représentans de l’émir résidant dans les trois villes maritimes occupées par les Français. — Article 6. Tout Européen qui serait dans le cas de voyager dans l’intérieur sera muni d’un passeport visé par le représentant de l’émir à Oran et approuvé par le général commandant. »

Aussitôt le traité conclu et expédié à Paris pour être soumis à l’approbation du roi, le général Desmichels remit aux envoyés d’Abd-el-Kader, pour lui être offerts en cadeau de sa part, cent fusils et cinq cents kilogrammes de poudre ; mais, en même temps,