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gouverneur général, nommé par le roi, et dépositaire de son autorité, devra réunir dans ses mains les pouvoirs civils et militaires ; les commandans de Bône, Oran et autres places ne devront correspondre qu’avec lui ; 6° l’administration civile sera exercée, sous les ordres du gouverneur général, par des administrateurs placés à Alger, Bône et Oran ; 7° il convient que le gouverneur général soit assisté d’un conseil ; 8° il y a lieu d’établir un budget spécial du gouvernement d’Alger. »

Battus dans la commission supérieure, les deux membres qui avaient voté contre l’occupation, MM. Hippolyte Passy et de Sade, ne désespérèrent pas de leur cause ; à l’occasion des crédits supplémentaires et du budget, la question ne pouvait manquer d’être soumise à la chambre des députés. Indépendamment des économistes, qui étaient scientifiquement hostiles à l’Algérie, un grand nombre de membres, sans prétention aucune à la science, sans esprit de système, avaient leurs préjuges personnels contre une entreprise coûteuse et, suivant eux sans avenir. Dans la séance du 7 mars 1834, le rapporteur des crédits supplémentaires, M. de Rémusat, commença l’attaque. La question d’Alger, disait-il, est une question réservée ; tout ce qui a été fait jusqu’à présent doit être tenu pour provisoire. « La chambre a droit d’attendre que, dans le cours de l’année, et avant la solution définitive du problème, aucune expédition nouvelle, aucun développement des établissemens coloniaux ou militaires ne viendra grever le budget de surcharges imprévues. » Ce n’était qu’une escarmouche ; la bataille ne s’engagea qu’un mois plus tard, sur le budget de la guerre pour l’exercice 1835.

M. Hippolyte Passy en était le rapporteur. Chef des économistes, on savait par avance ce qu’il ne pouvait pas manquer de dire : « N’allons pas nous croire engagés à réaliser l’impossible, à poursuivre à grands frais un système de conquête et de colonisation auquel manque toute garantie, toute certitude de succès. » M. de Sade fut beaucoup plus explicite. Les économistes, selon lui, avaient démontré que les colonies étaient désavantageuses à la mère patrie, et il ajoutait nettement : « Mon avis est que nous devons le plus tôt possible évacuer les possessions éloignées sur le littoral que nous avons en Afrique, et nous borner à l’occupation d’Alger en renonçant à toute idée d’occupation permanente. Nous laissons au gouvernement le soin de décider le moment de l’abandon définitif ; ce n’est que lui qui peut choisir le temps et les personnes avec lesquelles il doit traiter. » Même dans l’opinion favorable à l’occupation, il y avait des réserves : « Ma conviction sincère, disait M. Piscatory, est qu’il serait heureux pour la France de n’avoir jamais conquis Alger. Si Alger devait rester sous l’autorité