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président du conseil des ministres, aurait voulu rattacher au cabinet de la présidence toutes les affaires d’Alger, militaires et civiles, sans distinction ; mais, arrêté par l’opposition du maréchal Soult, ministre de la guerre, il n’avait pu accomplir que la moitié de son dessein. Une ordonnance royale du 1er décembre 1831 instituait à Alger deux autorités indépendantes l’une de l’autre, égales et parallèles : un intendant civil, relevant du président du conseil, à côté d’un commandant en chef, relevant du ministre de la guerre. La seule apparence de supériorité que pouvait avoir celui-ci, c’était la présidence qui lui était déférée dans le conseil d’administration, composé, avec lui et l’intendant civil, du commandant de la station navale, de l’inspecteur général des finances et du directeur des domaines. En un mot, c’était le dualisme constitué en attendant l’antagonisme. Pour remplir les hautes fonctions d’intendant civil, Casimir Perier avait choisi un homme d’expérience, le baron Pichon, conseiller d’état.

En donnant une sorte d’organisation officielle à la conquête qui n’avait été jusque-là régie que par des mesures individuelles et provisoires, l’ordonnance du 1er décembre 1831, quelles qu’en dussent être les conséquences pratiques, n’en était pas moins le premier acte public et le premier engagement pris en face de l’Europe par la France au sujet d’Alger. Tout au plus pourrait-on citer une déclaration, bien générale et bien vague, faite par le maréchal Soult à la chambre des pairs, le 1er mars 1831. Le comte de Montalembert, le père de l’illustre orateur, s’était inquiété des intentions du gouvernement à l’égard de la régence. « Quant à moi, avait-il ajouté, je regarde l’occupation d’Alger comme tellement importante aux intérêts de la France, dans les circonstances présentes, que le ministre qui signerait l’ordre de son évacuation mériterait, à mes yeux, d’être traduit à cette barre comme coupable de haute trahison envers l’état. Il se peut que l’occupation indéfinie de la régence d’Alger nous entraîne dans quelques complications diplomatiques avec le cabinet britannique, mais ces complications ne sauraient nous décider à prendre une aussi fatale résolution que celle de l’abandon d’un pays que nous avons conquis avec tant de gloire. — Le gouvernement, s’était borné à dire le maréchal Soult, a été interpellé sur ses vues au sujet d’Alger ; je dois répondre que l’on doit compter que le gouvernement fera tout ce qu’il doit pour l’honneur et la dignité de la France. » Ce n’était assurément pas une déclaration bien significative.

Une année passe ; le budget de la guerre est en discussion devant la chambre des députés. Dans la séance du 20 mars 1832, le maréchal Clauzel, qui a reçu le bâton l’année précédente, pose résolument en ces termes la question d’Alger : « Conserverez-vous ou non