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âge, ont succédé d’abord les guerres religieuses du XVIe siècle : elles en étaient la suite naturelle et comme la synthèse ardente. Puis, sous l’enveloppe religieuse, l’esprit politique a grandi ; la guerre de trente ans a mis aux prises avec les passions survivantes l’idée moderne, qui, au nom de la logique, au nom de la raison générale, au nom même d’une religion devenue plus intérieure et mieux réfléchie, tendait à séparer les élémens dissemblables. Les souverains allemands ou espagnols de la maison d’Autriche paieront de leur défaite l’obstination à demeurer dans une confusion d’autant plus dangereuse qu’elle est désormais aperçue et dénoncée. La Suède elle-même, avec son Gustave-Adolphe, bien qu’elle fût alors un des organes ou tout au moins un des auxiliaires du mouvement moderne, ne s’est guère écartée du terrain confessionnel. La France au contraire, avec Henri IV, Richelieu, Mazarin, a distingué très nettement et de bonne heure l’imminence d’un partage nécessaire ; elle a compris que les intérêts politiques et les intérêts religieux doivent se concilier et non pas se confondre, puisqu’ils réclament, les uns et les autres, un respect particulier et absolu ; et finalement une si vive intelligence des choses lui a montré comme salutaire et logique ce système de l’équilibre européen duquel plus tard certains politiques ont pu médire, mais qu’ils n’ont pas récusé sans amener de grands malheurs sur la patrie.

Un des négociateurs français adjoints à Servien et d’Avaux pour la paix de Westphalie, Henri Groulart, seigneur de La Court, dont M. Chéruel a fait connaître par fragmens l’intéressante correspondancee[1], a noblement exprimé dans une lettre confidentielle à son ami, Nicolas Bretel de Grémonville, frère du célèbre diplomate de ce nom, quelle grande situation était faite à la France à Munster et Osnabrück : « Je vous avoue, écrit-il en 1047, que M. d’Avaux a pris le plus beau poste du monde, ayant ici l’empereur et tous les princes d’Allemagne soumis et demandant à la France justice comme à leur souveraine. Les protestans avouent qu’ils étoient perdus sans son secours, et les catholiques, que la religion étoit perdue dans l’Allemagne si elle avoit voulu continuer la guerre encore six mois, parce que, le duc de Bavière ruiné, le parti catholique étoit sans ressource. Je vous ai mandé que nous donnions des audiences depuis huit heures du matin jusqu’à neuf heures du soir, dans lesquelles nous voyions les estats de l’empire avec humilité rendre la France arbitre de tous leurs différends. Cela se fait si absolument que nous n’avons qu’à régler les conditions. » Ce triomphe de la politique française était la récompense d’une vue

  1. Revue des sociétés savantes, 2e série, tome IV.