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qui donne au bout de l’année 360 millions de kilogrammes de pain, et suppose plus de 277 millions de kilogrammes de farine. D’après ces chiffres, 34 millions 600,000 kilogrammes de farine sortiraient annuellement des moulins de Corbeil ; si l’on aime mieux se représenter cette effroyable avalanche de farine enfermée dans des sacs, il faudra compter 220,000 sacs. Le sac de Corbeil vaut 48 francs ; autrefois, quand ces vastes établissemens appartenaient à MM. Darblay, leur marque était la première sans conteste ; elle est toujours considérée comme la régulatrice des marchés. A 48 francs le sac, on voit qu’une semblable société de meunerie fait annuellement plus de 10 millions 1/2 d’affaires en farines de première qualité. Elle doit acheter au moins 500,000 quintaux de blé, valant, au prix où le blé est tombé maintenant, environ 10 millions de francs. Enfin il lui reste à vendre, après la farine de première qualité, plus de 26,000 sacs de farines de seconde et troisième qualité, pour une somme de 900,000 francs environ ; et enfin 125,000 quintaux de son, représentant une valeur de 1,600 à 1,800,000 francs.

Nous ne prétendons certes pas citer ici un relevé de comptes ; nous ne donnons que des chiffres approximatifs, déduits par nous des statistiques que tout le monde peut consulter, et résultant de ce fait que les moulins de Corbeil fournissent à eux seuls un huitième de l’approvisionnement de Paris. Nous avons voulu montrer par ces chiffres, qui doivent être très voisins des véritables, quelle étendue ce genre d’industrie peut prendre, et quelle immense usine peut devenir un moulin. Les derniers chiffres nous ramènent à notre point de départ. Paris, disions-nous, ne mange que le pain le plus blanc et n’accepte que la farine de première qualité. Que va-t-on faire de ces 26,000 sacs de deuxième et troisième qualité ?

On ne laisse pas que d’avoir quelque difficulté à s’en débarrasser, même au prix de 35 ou 36 francs, tant est devenue générale la prévention contre le pain ayant la plus légère teinte bise. Heureusement pour les meuniers, l’administration, obligée quelquefois de céder à cette prévention, comme dans le cas des bons du bureau de bienfaisance, a résisté en d’autres cas : à l’année, on mange un pain parfaitement sain et nourrissant, sans être blanc. Il en est de même dans les prisons. A la boulangerie des hôpitaux, qui est connue sous le nom d’usine Scipion, la farine est blutée à 75 pour 100 ; c’est-à-dire que 100 kilos de blé ayant fourni 67 kilos de farine blanche, les 8 kilos de farines bises, fournis par la seconde mouture, sont mêlés au produit de la première mouture. D’autre part, ces farines sont maintenant expédiées dans les provinces, où jadis on mangeait du pain de seigle ou de blé noir. Le seigle ne sert plus guère qu’aux distilleries d’alcool de grains ; et bientôt on