Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 68.djvu/66

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’eux ne put y arriver ; dans l’intervalle, ils furent atteints et massacrés tous. Heureux de ce succès, les Arabes, malgré la supériorité du nombre, n’attendirent pas le sabre des chasseurs ni le feu des grenadiers qui arrivaient au pas de course. A la nouvelle de cette cruelle aventure, l’opération des foins fut contremandée par le général en chef, et il fit hâter la construction de trois redoutes nouvelles entre la Ferme modèle et la Maison-Carrée. Tous les anciens ouvrages furent armés d’artillerie et les blockhaus de fusils de rempart ; un service de télégraphie fut organisé entre les avant-postes et avec Alger.

On ne tarda pas à savoir que le guet-apens du 24 mai devait être attribué, non pas aux tribus de la Metidja, mais à des Amraoua et à des Isser, venus de l’autre versant des montagnes qui bornent la plaine à l’est. Une expédition fut aussitôt organisée sous le commandement du général Buchet pour aller châtier les Isser ; 1,200 hommes pris également dans le 4e, le 10e de ligne et la légion étrangère, 100 zouaves et 15 artilleurs avec deux obusiers de montagne, s’embarquèrent le 10 juin sur les frégates Calypso et Zélée, le brick Zèbre et les bâtimens à vapeur Pélican et Rapide. Le capitaine de vaisseau Cosmao commandait cette petite escadre. La mission du général Buchet était étroitement limitée ; il ne pouvait tenter qu’une surprise ; un débarquement de vive force lui était interdit. Dans ces conditions, il n’y avait rien à faire ; de tous les points de la côte l’escadre était vue ; l’ennemi par conséquent averti, sur ses gardes ; la nuit venue, les deux versans de la vallée de l’Isser s’éclairèrent d’une multitude de feux. Il n’y avait plus qu’à virer de bord ; pendant le retour, c’était entre les loustics de régiment une dispute à qui remercierait le général en chef de la jolie partie de plaisir avec illuminations et promenade en mer qu’il avait eu la bonté d’organiser en leur faveur. Il y avait des gens qui, d’un bout de la plaine à l’autre se moquaient encore davantage : c’étaient les indigènes. L’expédition manquée était une faute dont la responsabilité retombait en plein, non sur le général Buchet, mais sur le commandant en chef. Il fallait s’attendre à une grande prise d’armes.

Le lieutenant-général d’Alton venait d’être envoyé par le ministre de la guerre à Alger pour prendre, sous la direction supérieure du duc de Rovigo, le commandement de la division ; à tour de rôle, chacun des trois maréchaux de camp placés à la tête des brigades devait surveiller pendant quinze jours, à Birkhadem, le service des avant-postes. Les troupes ravagées par la fièvre étaient de moins en moins en état d’y suffire. Dans la dernière quinzaine de juillet, il y avait plus de 3,000 hommes aux hôpitaux ; un mois après, plus