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Si la taxe officieuse fixe le prix à 0 fr. 65, le produit d’un sac rapportera 66 fr. 30. Le sac aura coûté de 46 à 47 francs. Il restera une vingtaine de francs pour tous les frais et le bénéfice, c’est-à-dire 40 francs pour tous les frais et le bénéfice d’un boulanger ordinaire, employant deux sacs de farine par jour et faisant, bon an, mal an, de 25,000 à 30,000 fr. d’affaires. Nous ne parlons pas ici des profits qu’il pourra tirer du commerce du pain de luxe. Ces chiffres permettent de penser que le tarif indiqué par l’administration pourra être fixé environ à 0 fr. 65. Il ne semble pas qu’il puisse descendre beaucoup plus bas.


V

Nous avons essayé de réunir quelques renseignemens historiques et quelques informations techniques. La conclusion est facile à tirer. On a eu raison de se plaindre de la cherté du pain et de remarquer que, depuis la baisse du cours des blés, les boulangers maintenaient entre leurs prix de vente et le prix de revient de leur matière première une différence exagérée. On a eu raison de reprocher à quelques-uns d’entre eux leur empressement à hausser les prix, à la seule nouvelle du vote d’une loi destinée à donner un bien modeste soulagement aux souffrances de l’agriculture ; avant même la promulgation de cette loi ! Mais, en principe, si la baisse des prix du pain est légitime, il faut l’attendre de l’effet des lois économiques, sous un régime de liberté commerciale, et se garder de faire intervenir la ville ou l’état.

La disette n’existe point, et les mesures de rigueur ne sont point urgentes. Même en temps de disette, il ne semble pas que la lourde main de l’état, intervenant dans les relations d’affaires des particuliers, ait jamais apporté grand secours à personne. On eut faim sous Louis XIV, et le grand roi eut beau réglementer toutes choses, comme dit M. Le Play, depuis la production du blé jusqu’à la consommation du pain, les champs ne rendirent pas plus, et les pauvres genres ne mangèrent pas mieux. On eut faim aussi sous la convention : ce fut une famine factice, que le déficit des récoltes n’explique pas, résultat de l’impéritie des rêveurs sanguinaires dont un peuple affolé écoutait les déclamations et subissait les crimes. La convention eut beau visiter les greniers, fouiller les sacs, arrêter les voitures, surveiller les ventes, fixer les prix, ouvrir les livres de commerce, soudoyer les dénonciateurs et proférer partout les menaces de mort : elle ne réussit qu’à organiser le gaspillage et à pousser la misère à l’excès. Le premier empire