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transforma la France en une immense armée dont tous les négocians devinrent les pourvoyeurs. Il ne faut pas chercher, dans l’histoire de ces années de luttes, l’application des lois économiques ordinaires : une seule nécessité s’imposait, c’était que les convois de vivres et de munitions arrivassent à temps. Tandis qu’à la tête de ses troupes l’empereur allait défier l’Europe, il lui importait avant tout que le peuple de Paris, cette arrière-garde toujours peu disciplinée qu’il laissait si loin de sa personne, voulût bien demeurer dans l’ordre et ne manquât de rien.

La restauration taxa périodiquement les boulangers. Le peuple de Paris y gagna-t-il beaucoup ? Malgré le régime de la taxe, le prix du pain de quatre livres atteignait 0 fr. 91 en 1829.

Le second empire créa la caisse de la boulangerie et maintint la taxe jusqu’en 1863 ; puis, renonçant tout à coup à ce système compliqué, il donna aux boulangers de Paris la liberté dont jouissaient depuis soixante ans ceux de Londres et de Bruxelles. Le public eut-il à, se plaindre du changement ? Sous Napoléon III, la moyenne des prix du pain de quatre livres pendant les onze années antérieures à 1863, fut de 0 fr. 79,56 ; la moyenne pour les huit dernières années du règne fut de 0 fr. 71,74.

La troisième république fera assurément mieux de procurer du travail au peuple, et un peu de prospérité à l’industrie, que d’empiéter sur des libertés commerciales si lentement conquises. Il est vrai que le problème peut lui paraître plus embarrassant et la prendre au dépourvu.


DENYS COCHIN.