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s’agitaient partout, en Bavière, en Westphalie, dans la Prusse rhénane aussi bien qu’en France ou en Autriche. On avait cru sauver toutes les difficultés par cette fameuse loi des garanties, qui fut surnommée la loi des défiances réciproques ; mais elle ne contenait pas un seul article qui ne donnât prise à la critique. Plus d’un Italien pensait qu’on avait mal fait de la promulguer, qu’il était absurde de légiférer sur des choses qui échappent à toute législation et de vouloir définir l’indéfinissable, qu’il eût mieux valu s’en tenir à un simple décret et prouver par des actes qu’on entendait respecter l’indépendance spirituelle du souverain pontife.

On s’était flatté quoique temps qu’il accepterait le fait accompli, on espérait l’amener à un accommodement ; on était revenu de cette illusion. Il avait flétri la loi des garanties comme une œuvre d’astuce et d’iniquité ; il comparait les insignes de la souveraineté dérisoire qui lui était offerte au manteau de pourpre dont les Juifs revêtirent le Christ avant de le crucifier, et montrant le roseau qu’on lui avait mis dans la main, il déclarait que cette arme lui suffirait pour vaincre le monde et les impies. — « Le pape abusera de sa faiblesse, nous disait à cette époque un Italien. Notre gouvernement sera dans la fâcheuse situation d’un homme marié avec une femme insupportable, qui a ses nerfs, ses vapeurs, ses déraisons, et qu’on ne peut battre. On se déshonore en battant une femme ou un pape, et nous ne sommes plus au temps de Philippe le Bel. Que sait-on ? Le saint-père criera si fort qu’il finira par être entendu de quelque épée, qui, toute affaire cessante, viendra se mettre au service de ses vengeances. » Le bruit avait couru que le nouvel empereur d’Allemagne ne tarderait pas à épouser la défense et les passions de ses sujets catholiques ; on prétendait au Vatican qu’il songeait à abjurer, à se faire sacrer dans l’église de Saint-Pierre. C’était une pure chimère ; mais les Italiens sont excusables d’avoir pensé que l’indulgence, l’amitié d’un grand homme pouvait seule les garantir de tout risque et que ce n’était pas trop de l’acheter par beaucoup d’empressemens et par quelques tours de souplesse.

M. Rothan écrivait, le 31 janvier 1871 : « On pourrait dire que le malaise dont souffre l’Italie est le mal d’une trop rapide croissance, que l’occupation de Rome n’a fait qu’aggraver. Aux entraînemens irréfléchis ont succédé des craintes de représailles. Les plus ardens à affirmer le droit national sont devenus hésitans en face des difficultés que la dépossession de la papauté soulève à l’intérieur et du mécontentement qu’elle a provoqué au dehors. On sent que reculer serait s’exposer à tout perdre et que s’engager plus avant n’est pas sans péril. » Il ajoutait, quinze jours plus tard : « Je crains bien qu’à la longue, en voyant l’Autriche, qui lui servait de point d’appui, se rapprocher de Berlin, le