Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 68.djvu/81

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Bône. Le général Duzer, fort de l’expérience que loi avaient donnée ses campagnes sous M. de Bourmont et sous le général Clauzel, était revenu en Afrique bien résolu à traiter avec douceur, mais avec fermeté, les Arabes ni brutalité, ni mollesse, tel devait être, du commencement à la fin de son administration, le principe de sa conduite. Les Beni-Yakoub continuaient de se donner des torts ; ils méritaient de recevoir une leçon pour eux-mêmes et pour les autres. Le 27 juin, à huit heures du soir, Jusuf, accompagné d’un aide-de-camp du général, sortit de Bône avec ses Turcs, quatre compagnies d’élite et deux : obusiers ; à quatre heures du matin, il tomba sur les douars sans les surprendre, car les Beni-Yakoub étaient sur leurs gardes ; il prit des femmes, des enfans, beaucoup de bétail, et après les avoir gardés assez de temps pour bien montrer qu’il aurait été le maître de les emmener, obéissant aux instructions du général, il les renvoya. Cette générosité, inconnue aux Arabes, ne leur parut d’abord être que de la faiblesse ; quand la petite troupe se mit en retraite, ils lui firent à coups de fusil la conduite ; mais tout à coup apparut une colonne d’infanterie ; c’était le général Duzer, qui, parti de Bône à trois heures du matin, arrivait avec le 55e, une compagnie de sapeurs, et quatre obusiers de montagne. Immédiatement l’offensive fut reprise et le campement arabe de nouveau menacé. Les récoltes allaient être détruites, les gerbiers mis en cendres, les troupeaux enlevés, les Beni-Yakoub s’y attendaient : tout fut respecté ; après un repos d’une heure au milieu des douars épargnés, le général reprit la direction de Bône. Cette fois la leçon avait été comprise ; mais, refusant de se soumettre, la tribu se retira au loin dans le sud.

Tout fut tranquille jusqu’au mois de septembre. À cette époque, les intrigues d’Ibrahim recommencèrent. Réconcilié en apparence avec le bey Ahmed, assisté d’un marabout de Constantine qui prêchait la guerre sainte, il parcourait le pays, soulevant les tribus et les entraînant à sa suite. Le 8 septembre, au point du jour, on vit tout à coup déboucher une bande de douze à quinze cents Arabes et Kabyles. La température était accablante. Le général Duzer voulut laisser tomber la chaleur et l’ennemi s’engager davantage ; à quatre heures du soir, quand le moment d’agir fut venu, deux bataillons du 55e sortirent, l’un par la porte Damrémont, l’autre par la porte de Constantine, et refoulèrent les Kabyles par la vallée de l’Aqueduc sur la montée des Chacals, pendant que l’escadron turc de Jusuf chargeait les cavaliers arabes. Après un dernier essai de résistance, le camp d’Ibrahim fut enlevé ; sa tente était encore dressée ; on y trouva des armes de prix et les instrumens de sa musique militaire. Désormais on ne devait plus entendre parler de lui, si ce n’est