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rédigé l’article 5 du projet primitif : « Les mines sont des biens qui n’appartiennent à personne ; les propriétaires de la surface seuls y ont un droit acquis, » il critiqua cette rédaction dans la séance du 9 janvier 1810 : « Il est contradictoire, dit-il, de déclarer que les mines n’appartiennent à personne et que cependant le propriétaire de la surface y a droit… Il faut établir en principe que le propriétaire du dessus l’est aussi du dessous, à moins que le dessous ne soit concédé à un autre, auquel cas il reçoit une indemnité à raison de la privation de la jouissance du dessous. » On se remit à l’œuvre, et les articles 5 et 6 du projet reçurent la forme qu’ils ont définitivement gardée[1]. Le conseiller d’état Regnault de Saint-Jean-d’Angely se borna, dans son exposé des motifs, à développer la pensée de l’empereur, et le comte Stanislas de Girardin répéta dans son rapport au corps législatif (14 avril 1810) : « Les droits résultant de la propriété du sol, définis par l’article 552 du code civil, sont réservés par le projet, et cette réserve, qui concilie la loi sur les mines avec le code civil, l’associe en quelque sorte à ses hautes destinées. »

Cependant, en dépit des commentaires officiels, la loi de 1810 ne fut pas ainsi comprise et, quand on vint à l’exécution, les idées de l’empereur ne prévalurent pas. Au demeurant, tandis que la loi de 1791 avait conféré aux propriétaires de la surface un droit de préférence à l’encontre de tout demandeur en concession, les nouveaux textes le leur étaient, et l’état put, légalement, disposer à sa guise du tréfonds minéral. Il s’en fallut d’ailleurs que, dans la pratique, on « réglât, » on « purgeât, » suivant les expressions de Regnault de Saint-Jean-d’Angely, les droits des superficiaires en leur donnant, conformément à la promesse impériale, une indemnité calculée sur « la privation » de jouissance du dessous : la redevance payée par le concessionnaire au propriétaire du sol fut ordinairement, en fait, réglée à 0 fr. 10 par hectare de terrain concédé. Michel Chevalier, dans une réunion de la Société d’économie politique, a caractérisé la loi de 1810, ainsi entendue, avec beaucoup de finesse : « Ce n’est qu’un simple coup de chapeau à l’article 552 du code civil. » La cour de cassation en vint à dire, dès le 8 août 1839, non-seulement que la propriété des mines dérive de la concession faite par l’autorité publique, mais encore « que cette matière a pour règle les lois qui la régissent, non l’article 552 du code civil. » La redevance tréfoncière cessa d’être un prix payé au propriétaire exproprié et, comme on remarqua que la superposition d’une propriété superficielle et d’une propriété souterraine

  1. Art. 5. Les mines ne peuvent être exploitées qu’en vertu d’un acte de concession délibéré en conseil d’état. — Art. 6. Cet acte règle les droits des propriétaires de la surface sur le produit des mines concédées.