Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 68.djvu/853

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou tel au partage : et, par conséquent, la république, « si elle ne veut pas être une étiquette trompeuse, » devra remettre une fois de plus « les choses à leur place. » Ou la logique n’est qu’un mot, ou l’état devra, pour tout garder, tout exploiter.

Ce ne serait là, sans doute, qu’une application particulière du système qui consiste à changer l’état en une vaste association coopérative possédant en commun le sol et les capitaux. L’état absorbant tout, remplaçant tout, devenant l’unique entrepreneur de transports, l’unique assureur, jusqu’à ce qu’il devienne le marchand de modes et le tailleur universel, quel idéal de civilisation ! Étrange conception que celle d’un pays où, pour arriver au plus grand développement possible de richesse et de force, on supprime, en brisant le ressort de l’initiative individuelle, le premier élément de la richesse et de la force ! où l’industriel de génie, le premier commerçant du monde n’est plus, comme le premier des savans ou des capitaines, qu’une vulgaire unité dans un gigantesque total ! Le même homme, passant la frontière, à la vue du profit ou de la gloire qu’il pourra tirer pour lui-même ou pour sa descendance de son labeur infatigable, enfantera des merveilles et touchera du front les étoiles ; esclave obscur de la collectivité, comme il n’eût aperçu ni le prix ni même le résultat de ses efforts, il n’eût rien tenté. L’erreur de ces novateurs est de ne pas comprendre que, si toutes les forces productrices d’un peuple, envisagées séparément, sont amoindries, elles décroissent nécessairement du même coup, prises dans leur ensemble.

L’industrie minérale fait-elle exception à la règle ? L’expérience universelle démontre le contraire. Dès le XVe siècle, la royauté française, tout en créant un grand maître superintendant des mines, chargé de les exploiter ou de les faire exploiter ; se reconnaissait, en fait, impuissante à les exploiter directement ; plus tard, en 1601, Henri IV allait jusqu’à renoncer à son droit du dixième sur les mines de houille et de fer ! L’industrie minérale languissait en Toscane : un édit du 13 mai 1788 y abolit tous les droits de la couronne sur toute espèce de mines et de minerais ; la Toscane s’enrichit aussitôt par l’exploitation des mines. En Espagne, les lois d’Alphonse X attribuaient au prince un droit de seigneurie directe sur tous les métaux ; Philippe II avait à la fois incorporé toutes les mines d’or, d’argent, de vif-argent au domaine royal et subordonné, dans une ordonnance détaillée, tous les droits de l’individu, sur les mines de toute nature, au droit suprême de la couronne. Au commencement du XVIIIe siècle, la couronne, quand elle voulut reprendre les travaux des mines, longtemps laissés à l’abandon, ne sut pas même trouver des ouvriers et fut obligée de renoncer au système de l’exploitation directe. Depuis longtemps, ce même gouvernement, vaincu