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vérification des travaux intérieurs avec le concours des « gardes-mines, » sortis eux-mêmes de l’École des mines de Saint-Étienne ou des écoles de maîtres mineurs d’Alais ou de Douai, après un examen sérieux qui roule sur l’art des mines, la mécanique, la géologie, etc. Les compagnies ont comparé cet examen technique à l’examen physiologique du médecin qu’on appelle pour soigner un malade. Se trompent-elles ? Écoutons un ouvrier, le mineur Jouve, qui eut, dans la conférence du 1er octobre 1882, à Saint-Étienne, le courage de combattre les utopies de certains collectivistes : « Dans une mine il n’y a pas seulement des ouvriers, il y a aussi des ingénieurs. Si demain on donnait la mine aux ouvriers, ils ne sauraient pas l’exploiter. Tous les membres du congrès qui les poussent à la révolte aujourd’hui pourraient leur donner des conseils ; mais ils n’en seraient pas plus avancés. » Il faudrait, en effet, beaucoup d’aveuglement pour méconnaître le caractère technique de cette exploitation. C’est pourquoi dans les pays les plus avancés de l’Europe, par exemple en Prusse, la loi se montre plus sévère et plus minutieuse qu’en France lorsqu’il s’agit de choisir les surveillans ou les directeurs et de constater leur aptitude[1]. Donc, si nous ne suivons pas les compagnies lorsqu’elles s’efforcent de démontrer « l’inutilité absolue » des délégués mineurs sous prétexte que « les explosions de grisou sont très rares » ou que, sur mille accidens, neuf cent quatre-vingt-quinze sont purement fortuits[2], nous les approuvons quand elles tâchent d’empêcher qu’on ne place côte à côte, sur un pied d’égalité, les ingénieurs des mines, secondés par les gardes-mines, et les délégués mineurs. Ceux-ci, nous l’admettons, ne suivraient pas l’exemple des « présidons de puits, » qui, élus par leurs camarades en 1848, se posèrent en contradicteurs systématiques des ingénieurs et entravèrent complètement, sur certains points, les travaux des mines. Mais quelle sera leur compétence ? comment pourront-ils soit contredire en temps opportun, soit même avertir utilement les ingénieurs, alors qu’il leur suffit d’ailleurs, pour être éligibles, d’avoir été, depuis un an, attachés à l’exploitation ? Ils n’ont pas même l’instruction théorique ou pratique des maîtres mineurs et seront appelés à les redresser ! Encore comment ne pas prévoir que ces élections revêtiront un caractère politique et qu’on déléguera souvent, non le meilleur ouvrier, mais l’orateur le plus fougueux ou « l’anarchiste » le plus convaincu ? Cet homme d’état ne voudra ni ne pourra s’adonner u au contrôle

  1. Voir la loi prussienne du 24 juin 1865, art. 73, 74, 75 et la loi bavaroise du 20 mars 1869, art. 71, 72, 75.
  2. , Voir le rapport supplémentaire de M. Alfred Girard à la chambre des députés, annexe, p. 16.