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diverses nuances, comme M. Henri Brisson, M. de Freycinet, M. le général Campenon, M. René Goblet, ce ministère ne laisse pas d’être dans une situation assez critique et se trouve placé entre bien des écueils. Se résignera-t-il simplement à être la continuation du cabinet qui l’a précédé, et est-il disposé à se conformer au programme que le dernier président du conseil lui a tracé d’avance dans son récent discours d’Épinal? Il a évidemment à ménager cette majorité républicaine qui a suivi M. Jules Ferry, qui le regrette, qui lui reste attachée; seulement, si le nouveau cabinet n’est plus ou moins que le dernier cabinet continué, il n’a plus de raison sérieuse d’exister, il semble tenir la place d’un autre qui avoue tout haut l’espoir de rentrer aux affaires par les élections prochaines. Le cabinet nouveau, pour balancer l’influence opportuniste, tâchera-t-il de rallier les radicaux en leur faisant des concessions ? Il entre alors dans une voie singulièrement périlleuse où il ne tardera pas à se compromettre et à se perdre. Le nouveau ministre de l’intérieur, qui a bien des liens avec les radicaux, M. Allain-Targé, aurait dit récemment, assure-t-on, que le péril était à droite au lieu d’être à gauche. Ce n’est là qu’un mot de parti; le seul et vrai péril, aujourd’hui comme hier, est dans les fautes, les erreurs, les violences, les gaspillages, les abus de pouvoir que les républicains ont accumulés depuis quelques années et qui ont fini par créer cette situation compromise à laquelle on ne peut plus remédier que par la sagesse.

Au milieu de ces confusions de toute sorte qui sont l’œuvre des partis, où notre gouvernement et nos chambres vont probablement avoir plus que jamais à se débattre jusqu’au jour des élections, que devient cependant la politique extérieure de la France, cause première des récentes crises ? Les affaires du monde ne s’arrêtent point sans doute pour un ministère qui disparaît ou pour un ministère qui se forme, pour quelques misérables querelles de partis. Des difficultés il y en a toujours : quand il n’y en a plus sur le Fleuve-Rouge, il y en a sur le Nil; on passe des embarras du Tonkin à un incident égyptien survenu à l’improviste. Qu’en sera-t-il définitivement de ces conflits qui se succèdent ?

Il y a décidément, il est vrai, un certain apaisement dans nos affaires de l’extrême Orient, dans nos rapports avec la Chine, et cet apaisement s’est produit lorsqu’on s’y attendait le moins, sous la forme qu’on pouvait le moins prévoir. Par une coïncidence curieuse, le dernier ministère a été emporté dans une bourrasque, pour un cruel accident de guerre, au moment même où il suivait une négociation qu’il ne pouvait pas avouer; le nouveau cabinet qui s’est formé non sans peine et sans efforts, ce cabinet qui n’a pas encore un mois d’existence, a eu la chance de recueillir l’héritage de la négociation qui