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des prises d’armes. La paix si étrangement faite dura tout juste quinze jours.

Le 24 avril, les coups de fusil recommencèrent; le 26, trois hommes du bataillon d’Afrique eurent la tête coupée. Quand on sommait OuIid-ou-Rebah de châtier les perturbateurs, il se dérobait. Au colonel Lemercier, qui avait assez de cette mauvaise besogne, le comte d’Erlon donna pour successeur son chef d’état-major, le lieutenant-colonel Girot. Celui-ci ne fut pas plus heureux ; M. Lowasy lui-même, l’instigateur du traité, ne le fut pas davantage. Dans une entrevue qu’il eut, vers la fin de juillet, avec Oulid-ou-Rebah dans la plaine, ce fut celui-ci qui eut l’audace de se plaindre. Pendant la conférence, sous prétexte de faire honneur au commissaire du roi, les cavaliers du cheikh mirent le feu aux herbes ; ce fut en effet un beau feu de joie qui dura quarante-huit heures; mais aussi tout le fourrage destiné au troupeau de la place se trouva brûlé. C’était ainsi qu’Oulid-ou-Rebah marquait sa reconnaissance à M. Lowasy : Duvivier était trop bien vengé.


IV.

A Bougie, la versatilité du comte d’Erlon n’était la cause que d’un mécompte ; dans la province d’Oran, elle avait fait éclater la plus formidable des crises.

On a vu que, peu de temps après l’installation du gouverneur, le général Desmichels était venu lui rendre compte des affaires politiques et militaires de son commandement. Dans la division d’Oran, le bataillon espagnol de la légion étrangère, cédé par le gouvernement français au gouvernement d’Espagne, avait été remplacé par un demi-bataillon polonais retiré de Bougie. La mutation venait d’être faite, lorsqu’un grave incident mit tout à coup en péril la sécurité de la place. Le 2e régiment de chasseurs d’Afrique, qui s’était déjà révolté au mois d’août de l’année précédente, se mit de nouveau en révolte au mois de juillet 1834. Les autres corps heureusement ne se laissèrent entraîner ni par ses excitations ni par son exemple. Un capitaine, trois brigadiers et trois chasseurs furent traduits devant le conseil de guerre, sept officiers mis en retrait d’emploi, deux escadrons envoyés à Mostaganem. L’ordre à peine rétabli, un mal terrible, le choléra, s’abattit soudain, d’abord sur Mers-el-Kebir, puis sur Oran. A la fin d’octobre, il avait fait plus de quatre cents victimes, les deux tiers dans la garnison. Le général Desmichels avait perdu trois personnes de sa famille et son ancien chef d’état-major, le général de Fitz-James.