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consul Abdalla auprès de vous, car, quand bien même les Douair et les Sméla entreraient dans Oran, je ne retirerai pas la main que j’ai levée sur eux, à moins qu’ils ne fassent pénitence de leur faute. Notre religion me défend, en effet, de permettre qu’un musulman soit sous la puissance d’un chrétien ou d’un homme d’une autre religion. Voyez donc ce qu’il vous conviendra de faire ; autrement c’est Dieu qui décidera. » Après avoir communiqué au comte d’Erlon la prétention despotique d’Abd-el-Kader, le général Trézel, ajouta, le 23, à sa dépêche la conclusion suivante: « Il est impossible de rentrer à Oran sans avoir obtenu satisfaction de l’émir. Lui laisser exercer le droit qu’il s’arroge sur les tribus, c’est le reconnaître souverain absolu et indépendant et, comme il me l’écrit, maitre de ne pas laisser entrer un oiseau à Oran et de traiter les Arabes comme bon lui semble, sans que nous ayons à nous mêler de ses affaires; c’est consentir à ce qu’il consomme la ruine de deux tribus pour effrayer les autres et placer Oran dans un désert de huit lieues de rayon ; c’est enfin prendre un parti aussi honteux pour la France que cruel pour les malheureux qui ont imploré son appui. Je n’aurais pas le courage d’accepter même la responsabilité d’exécution d’un ordre de retraite, et si les instructions formelles du cabinet pouvaient forcer un de nos plus anciens et plus glorieux chefs à le donner, je vous prierais de me le faire transmettre par mon successeur. »

Le 22 juin, les reconnaissances du matin avaient signalé l’attitude hostile que les Gharaba commençaient à prendre ; des hommes de la légion étrangère, qui coupaient du bois, recevaient des coups de fusil ; ici un convoi, là des fourrageurs étaient attaqués. Le surlendemain, on apprit que les Abid-Chéraga et les Cheurfa étaient venus tirailler autour de Mostaganem; le 25, que 400 ou 500 Gharaba avaient essayé d’enlever le troupeau d’Oran. Décidé à ne plus se tenir sur la défensive, et sachant qu’Abd-el-Kader avait réuni les goums des tribus sur le Sig, le général Trézel résolut de s’avancer d’une marche sur la route de Mascara.

La division d’Oran avait un effectif de 7,000 hommes; mais les garnisons des places et les non-valeurs déduites, les forces que le général Trézel avait pu mobiliser ne dépassaient pas 1,700 baïonnettes et 600 chevaux. Elles se composaient d’un bataillon du 66e, d’un bataillon d’infanterie légère d’Afrique, d’un bataillon italien et de trois compagnies polonaises de la légion étrangère ; de quatre escadrons du 2e régiment de chasseurs d’Afrique, qui n’avaient pas encore reçu, comme leurs camarades de la division d’Alger, le fusil de dragon à la place du mousqueton pour les uns, de la lance pour les autres ; d’une demi-batterie