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de l’Europe et de la civilisation moderne dans le sens démocratique semble désormais une loi de l’histoire, et que, en dehors même du libéralisme, tout y pousse simultanément, et les progrès de l’industrie, et la facilité des communications, et la diffusion des connaissances. La démocratie a mérité d’être comparée aux agens géologiques qui, en la bouleversant, ont renouvelé la face du globe terrestre ; elle en a la puissance, la continuité, l’universalité. Tous les peuples civilisés sont en train de se transformer dans le même sens ; mais naturellement cela ne se fait pas sans oscillations ni secousses. Notre planète est définitivement entrée dans l’âge démocratique ; c’est pour l’humanité comme un nouveau climat moral auquel les peuples se doivent faire, et ce qui ne pourra s’y acclimater est condamné à disparaître, tout comme ont péri les plus anciens contemporains de l’homme dans notre hémisphère : le mammouth, le mastodonte et les grands animaux de l’époque géologique antérieure à l’âge actuel.

Que l’on examine les différens problèmes soulevés dans les états civilisés, on verra que la plupart des agitations, des incertitudes, des souffrances des peuples modernes proviennent du laborieux enfantement de la démocratie. Partout, à travers le chaos apparent de la politique quotidienne, se retrouvent les mêmes luttes, les mêmes efforts, les mêmes tâtonnemens, et presque partout, avec l’ascendant croissant de la démocratie, se montrent les déviations, les altérations, et, par suite, les déconvenues qu’elle impose au libéralisme.

Les questions politiques agitées chez les peuples modernes peuvent, nous semble-t-il, se ramener à quatre chefs principaux, se classer sous quatre rubriques générales, embrassant tout le champ si complexe de la politique contemporaine. Ce sont d’abord les questions politiques proprement dites, qui touchent à l’organisation de l’état et des pouvoirs publics. Ce sont ensuite les questions nationales, ou, ce qui revient au même, internationales, concernant les rapports des différens états ou des différens peuples entre eux. Ce sont enfin les questions religieuses, puis les questions économiques et sociales, dont les unes touchent à la conscience et à la vie spirituelle de l’homme, les autres à son bien-être et à sa vie matérielle. Ces quatre séries de questions sont posées presque partout à la fois ; elles constituent le fond, la trame variée de la politique, mais elles ne se présentent pas chez tous les peuples sous le même aspect ou dans le même ordre, et ce sont ces différences de forme ou de rang qui font la diversité de la politique des divers états.

Considérons successivement ces quatre classes de questions et