Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 69.djvu/436

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sont les combattans qui s’y pressent, et plus acharnées et tumultueuses sont leurs batailles, plus vaste est le champ de leurs opérations, qui, avec l’extension de la franchise électorale, finissent par embrasser tout le territoire, de la capitale aux plus obscurs villages.

Ces luttes perpétuelles, tous les peuples libres ont dû s’y résigner. Ils ont dû, en monarchie non moins qu’en république, s’habituer au gouvernement des partis, gouvernement partial s’il en fut, mais le seul qui pût sortir du régime représentatif. Déçus de ce côté, les philosophes politiques ont tiré de leurs mécomptes mêmes une nouvelle théorie. Ils se sont avisés que ce gouvernement de partis, lequel les eût effrayés (i priori, était le plus favorable au progrès de même qu’à la liberté des peuples. Ils ont montré les partis obligés de rivaliser d’habileté et de talent, contraints, pour ne pas se discréditer au profit de leurs adversaires, d’éviter les fautes et les abus, se contrôlant et se contenant réciproquement. On a savamment exposé la double fonction du parti au pouvoir et de l’opposition qui, dans un état bien équilibré, se complètent en se faisant contrepoids. Et cette théorie a une grande part de vérité. Avec tous ses défauts, le gouvernement des partis porte en lui-même le remède à beaucoup de ses maux. Heureux les peuples qui possèdent deux grands partis compacts, également légaux, en état de se succéder régulièrement au pouvoir ! mais ce bonheur n’est pas donné à tous. Tantôt les partis sont trop forts, trop dominans ; tantôt trop fractionnés, trop indisciplinés, trop peu homogènes. Parfois ils n’ont pas de terrain commun, pas de base constitutionnelle sur laquelle ils puissent se rencontrer ; ils représentent des factions plutôt que des opinions légales. C’est là, sous une forme ou une autre, une des difficultés dont souffrent beaucoup d’états, l’un des obstacles à la marche régulière du gouvernement parlementaire et, par suite, un des motifs du discrédit où il tend à tomber. Cette difficulté est d’autant plus sérieuse qu’elle menace de s’aggraver avec les progrès de la démocratie et la participation d’un plus grand nombre d’électeurs aux luttes politiques. Dans une démocratie, en effet, les courans d’opinions sont plus puissans, plus soudains, plus violens, ils ont une impétuosité torrentueuse à laquelle souvent rien ne résiste. C’est alors surtout qu’au nom de la liberté et des droits du peuple, une moitié de la nation est exposée à être foulée par l’autre, c’est alors que le gouvernement des partis se montre le plus inique.

Si par sa constitution même le gouvernement représentatif engendre le plus souvent un gouvernement partial et parfois un gouvernement oppressif, a-t-il au moins réussi à mettre le pouvoir aux