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aux héritiers de Frédéric II des titres en réalité analogues à ceux que l’ancien droit avait fournis à la Prusse sur la Silésie. La grande différence, c’est qu’au lieu d’invoquer les titres des princes, on invoque les droits des peuples. Au lieu de guerres dynastiques on a des guerres nationales, plus rares il est vrai, mais plus acharnées et plus opiniâtres. L’ère de la paix universelle et du désarmement général n’est pas encore ouverte. Aux vieilles milices monarchiques ont seulement succédé les énormes armées nationales avec tout leur ruineux appareil.

En dehors même de la manière dont il a été dénaturé par les convoitises des gouvernemens ou des peuples, le principe de nationalité ne pouvait donner tout ce qu’il promettait en théorie. Il eût été maître de refaire à son gré la carte des états de l’Europe, qu’il n’eût souvent pu offrir de solution rationnelle. Dans la presqu’île des Balkans, dans l’Autriche-Hongrie, dans les vastes oukraines russes, il ne saurait suffire, pour former des peu{)les, d’abandonner les élémens nationaux à une sorte de cristallisation naturelle. Dans tous ces pays où les différentes nationalités restent mêlées ou superposées les unes aux autres, il est fréquemment impossible d’isoler les divers matériaux ethniques, ou ce qui revient au même, impossible de les grouper d’après leurs affinités nationales.

Les mécomptes apportés à certains peuples par le principe de nationalité, les violences ou les convoitises dont il a été la cause ou le prétexte, l’ont fait contester des deux bords opposés. Rejeté par les partisans de l’ancien droit dynastique et par les politiques, avant tout préoccupés de l’équilibre, il s’est vu renier par l’extrême démocratie qui y avait applaudi à l’origine, et qui, sur ce point encore, en est venue à brûler ce qu’elle avait adoré. Elle a fini par aboutir à la négation de la nation comme à la négation de l’état. Au principe national, qu’elle accuse d’isoler les peuples les uns des autres, la démocratie révolutionnaire a prétendu substituer l’internationalisme, qui prétend les pacifier en les confondant, et le communalisme ou le cantonalisme, qui, sous prétexte de progrès, ramèneraient les sociétés occidentales à l’émiettement antérieur à la constitution des états modernes.


IV.

Une des choses qui étonneraient le plus aujourd’hui les hommes du XVIIIe siècle et de la révolution, c’est l’importance reprise de notre temps par les questions religieuses. On les rencontre dans presque tous les états, non-seulement dans les pays musulmans, chez