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semaine du mois, la guerre avait paru inévitable. On avait vu les fonds d’état fléchir à mesure que s’évanouissaient les chances d’un arrangement pacifique. Les Consolidés étaient tombés à 95, les Fonds russes à 84, le Hongrois à 76, le 3 pour 100 français à 77, le Turc à 15, l’Unifiée à 295, la Banque ottomane à 500, le Suez au-dessous de 1,900, le Crédit foncier à 1,300. Mais la modération du gouvernement russe permit au cabinet Gladstone de trouver le moyen de faire accepter au parlement anglais les concessions reconnues nécessaires pour le maintien de la paix. Personne, dès lors, ne voulut plus croire à la possibilité de cette guerre qui, la veille, paraissait ne plus pouvoir être évitée. Le découvert considérable qui s’était formé à Londres et à Berlin sur les Consolidés et les Fonds russes prit peur et racheta précipitamment. Notre place suivit l’impulsion et la liquidation put s’effectuer en pleine reprise. Comme tout le marché était engagé à la baisse, et que les acheteurs avaient été impitoyablement liquidés à la fin de mars et au milieu d’avril, il y avait fort peu de positions à reporter ; les capitaux sont donc restés en grande partie inoccupés, et les prix des reports se sont tenus bien au-dessous du niveau normal. Dans de nombreux cas, le report même a complètement disparu, et les engagemens ont été prorogés au pair ou avec un déport plus ou moins important. C’est ainsi que le déport s’est élevé jusqu’à 0 fr. 15 et 20 sur nos fonds publics.

Le découvert, débordé de toutes parts, a continué ses rachats pendant deux ou trois jours, et le mouvement de hausse s’est étendu à toutes les places. Le 3 pour 100 français s’est élevé à 79.50, le 4 1/2 à 108.40, l’Italien à 94, le Suez à 2,000, le Crédit foncier à 1,330, l’Unifiée à 325, la Banque ottomane à 530, le Hongrois à 79, le Russe à 92, les Consolidés à 98.

Telle était la situation quarante-huit heures après la liquidation. Les traces du violent orage d’avril étaient effacées, au moins sur la cote; les règlemens se faisaient avec une ponctualité remarquable. Il est vrai que les trois dernières liquidations coûtaient aux intermédiaires à Paris seulement peut-être 20 ou 25 millions; il est vrai qu’un krach en miniature ébranlait la place de Gênes et que la spéculation en général sortait de cette lutte complètement brisée, épuisée, et surtout discréditée. En fait, le marché avait repris son équilibre, et de même que les relations cordiales entre Londres et Saint-Pétersbourg avaient remplacé les animosités de la veille, de même sur les côtes les cours de paix avaient succédé brusquement aux cours de guerre.

Un grand calme a suivi cette restauration du marché. On n’avait pas repris pleinement confiance; on redoutait encore l’imprévu, observant les événemens avec une réserve circonspecte. Cependant le revirement pacifique a pris chaque jour un caractère plus positif. En dépit de rumeurs alarmantes se rattachant soit à l’attitude de l’Allemagne,