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le savant et le métaphysicien. Mais ils changent quelquefois de rôle. Ici, c’est le savant qui expose la doctrine précédente : « Que n’a-t-on pas dit sur la nature de l’âme ? Et quoi de plus simple ? .. L’esprit est-il autre chose que la force une, identique, permanente, libre, consciente et raisonnante que chaque homme sent en soi ? Qu’avez-vous besoin d’en savoir davantage ? » Cette doctrine est approuvée par le métaphysicien, qui déclare que, pour tous les êtres individuels dont se compose la nature, « la notion de force épuise la notion du sujet. » C’est bien là toujours la doctrine leibnizienne et biranienne, doctrine qui, généralisée et étendue à tous les êtres de la nature, ne voit partout que des forces analogues à l’âme humaine, supprime ou croit supprimer le mystère de la communication de l’âme et du corps, parce qu’au lieu d’associer l’une à l’autre deux substances hétérogènes, elle associe l’âme à des forces inférieures, mais analogues à elle. C’est ce qu’on appelle le dynamisme : une échelle de forces graduées et liées, voilà la nature. Ainsi, tant que vous ne sortiez pas du domaine des forces individuelles et finies, le philosophe marchait d’accord avec les spiritualités de son temps. Le seul point réservé était le passage de l’individuel à l’universel, des êtres particuliers au Tout. « Comment ces forces arrivent-elles à correspondre, à concourir, à coopérer de manière à former un tout, un système, le Cosmos en un mot ? » C’était le problème de la métaphysique : c’était à celle-ci à compléter la psychologie.

Les mêmes doctrines, plus accusées encore et de plus en plus dirigées contre le matérialisme, le positivisme, le relativisme, sont le fond des écrits de M. Vacherot depuis 1868, par exemple les Essais de philosophie critique, dans lesquels l’auteur défendait vivement la méthode psychologique contre toutes les formes récentes de l’empirisme, et l’ouvrage intitulé : Science et Conscience, où il essaie de résoudre le conflit entre ces deux facteurs, tout en maintenant énergiquement le principe de l’activité individuelle et de la liberté de nos âmes. On voit par cet historique que M. Vacherot était autorisé par ses propres précédens à intituler son dernier ouvrage : le Nouveau Spiritualisme, et qu’il n’y faut pas chercher une rétractation et une conversion. L’auteur ne fait qu’y reproduire ce qu’il disait en 1846 sur la doctrine de Maine de Biran : « Qu’est-ce que l’âme au témoignage de la conscience ? Une cause, une force, etc. » L’auteur se rétracte si peu qu’il se copie et reproduit textuellement, comme sa doctrine définitive, le passage même que nous avons cité plus haut. Il maintient contre le matérialisme la nécessité d’une unité centrale et d’un principe permanent. Il affirme, comme tous les spiritualistes, qu’il n’y a pas de conscience sans personnalité, de mémoire sans identité, de devoir sans liberté.